Culture
NOUVELLE EXPOSITION À EXPRESSION

Le TRANSFERT de Deschênes

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Richard Deschênes avoue qu’il a été impressionné lorsqu’il a vu la grande salle d’EXPRESSION, le centre d’exposition de Saint-Hyacinthe. Il fallait remplir cet immense espace avec sa propre énergie. Seul. Quelques semaines plus tard, on peut dire que le défi a été relevé.

Depuis le 17 mars et jusqu’au 29 avril, il propose l’exposition TRANSFERT, une quarantaine d’œuvres récentes dont certaines sont présentées pour la première fois.

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De vieilles caméras qui semblent flotter dans l’espace nous suggèrent que la photographie tiendra une place importante dans sa présentation.
Photo : PHF.

Ce qui frappe, d’entrée de jeu, ce sont ces grandes toiles, à gauche et à droite, qui donnent le ton : noir et blanc. « Plus j’avance dans ma démarche et plus je délaisse la couleur. C’est comme si elle était devenue superflue » explique-t-il.

De vieilles caméras qui semblent flotter dans l’espace nous suggèrent que la photographie tiendra une place importante dans sa présentation.

Justement, au fond de la grande salle, on aperçoit les portraits de personnages célèbres : Maurice Richard, Victor Hugo, Louis Pasteur et d’autres que l’on ne reconnaît pas tout de suite. « Celui-là, c’est Yuri Gagarin, le premier homme qui a effectué un vol dans l’espace » nous informe l’artiste.

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Richard Deschênes entre Kemal Atatürk, Louis Pasteur, Anton Tchekhov et Victor Hugo.
Photo : PHF.

On se retourne à 180 degrés et l’on voit, sur un mur isolé, la tête d’une femme avec un casque d’astronaute. « J’oublie toujours son nom, dit-il, mais c’est la première femme cosmonaute » (Valentina Terechkova). Peu importe le nom, de toute façon, l’artiste est déjà ailleurs.

« J’ai choisi, au départ, des personnages célèbres, mais je me propose de prendre des personnes inconnues, mais qui ont du vécu. L’important n’est pas tellement la personne, mais sa représentation ».

Mais attention, on ne parle pas ici de simples portraits. Ce sont de véritables tableaux qu’il réalise à l’acrylique et au fusain selon une technique qui lui est propre.

Davantage le dessin

Richard Deschênes, en plus d’être bachelier de l’université Concordia en arts visuels, a étudié par la suite au Pratt Graphics Center de New York : une formation en graphisme qui teinte manifestement sa démarche.

 

Il débute souvent ses créations avec de petites photos de journaux ou de magazines. Il les agrandit et agrandit à tel point que la trame apparaît, révélant la nature microscopique de l’image. Puis, il les reproduit selon un procédé apparenté au bon vieux « papier carbone » que les plus âgés d’entre nous ont connu.

Il ne travaille donc pas directement sur une toile – l’entreprise serait malaisée -, mais sur un contre-plaqué qu’il apprête de différentes façons. « Ce support convient davantage à mon travail qui tient beaucoup plus du dessin que de la peinture » précise-t-il.

Opération chirurgicale

Dans la petite salle, à l’arrière, on retrouve une vingtaine de photos encadrées : des photos de journaux. À première vue, on n’y comprend rien. Pourquoi encadrer des photos de journaux ? « Ce n’est même pas du papier noble, alors pourquoi ? » s’est demandé une dame lors du vernissage.

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Dans la petite salle, à l’arrière, on retrouve une vingtaine de photos encadrées.
Photo : PHF.

Encore une fois, le propos de Richard Deschênes est ailleurs. Pour bien comprendre ce qui s’est vraiment passé, il faut se rapprocher.

On se rend compte, alors, que ces photos de journaux ont été « trafiquées » en quelque sorte. « J’ai soustrait certains éléments de l’image, souvent le personnage principal » explique l’artiste qui a réalisé quelques-unes de ces œuvres lors d’un séjour à Paris.

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Il faut se rapprocher pour comprendre.
Photo : PHF.

Il s’achetait quelques exemplaires du journal (Libération, par exemple) et choisissait l’image qui allait passer au bistouri (façon de parler, mais c’est presque ça). Il isolait l’élément qu’il allait enlever et remplissait le « trou » avec des sections de l’image découpées sur les autres exemplaires du journal. Une opération quasi chirurgicale : des greffes, qui laissent des cicatrices, intentionnelles.

Car c’est voulu, évidemment. « Il aurait été plus facile d’utiliser le Photoshop », lui fais-je remarquer. Comme beaucoup d’artistes, Richard Deschênes se sent un peu mal à l’aise lorsqu’il s’agit d’expliquer sa démarche.

À l’entrée de la salle, une affichette reproduit un texte de Bernard Schutze qui traduit bien l’intention du créateur. On peut y lire, à la fin :

(…) Il aurait certes été possible de produire des images semblables de manière plus convaincante et moins méticuleuse en recourant aux techniques de Photoshop, mais la signification du geste de Deschênes réside justement dans la matérialité obstinée de son approche et de sa technique manuelle distinctive. Contrairement au traitement d’image numérique habituel, l’intervention de Deschesnes laisse des traces qui font ressortir à la fois l’origine de l’image et la transformation qu’elle a subie.

Nous n’aurions pu mieux dire…

TRANSFERT

Richard Deschênes

du 27 mars au 29 avril

EXPRESSION, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe