Culture
DISSENSION AU CONSEIL

MUSÉE RÉGIONAL : La Ville RECULE

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Centre Expression, 30 septembre 2011 (Jour de la culture…) : La déception se lisait sur le visage des membres du comité qui travaille depuis quelques années à la création d’un Musée régional à Saint-Hyacinthe. Ils venaient d’apprendre, quelques jours plus tôt, que le conseil municipal avait voté majoritairement contre le financement d’une étude de faisabilité du projet. Enfin, le conseil a décidé de reporter l’affaire dans quatre ou cinq ans. Aussi bien dire aux calendes grecques…

Un montant d’environ 50 000$ était demandé à la Ville pour cette étude : une somme « dérisoire » selon Marcel Blouin, le directeur du Centre Expression. Il est l’un des principaux instigateurs avec Jean-Marie Pelletier et Léandre Dion, respectivement président et membre du conseil d’administration du centre d’exposition maskoutain.

L’organisme voudrait déménager dans un véritable Musée régional qui accueillerait également le Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe. Son directeur, Luc Cordeau, et la présidente, Pierrette Brière, participaient d’ailleurs à la conférence de presse. L’important patrimoine religieux que recèle la grande région de Saint-Hyacinthe pourrait y trouver une niche.

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Léandre Dion, Marcel Blouin, Jean-Marie Pelletier, Pierrette Brière et Luc Cordeau.
Photo : PHF.

La nouvelle a été d’autant plus difficile à avaler qu’au mois de mai 2010, le maire Claude Bernier leur avait fait parvenir une lettre dans laquelle il affirmait que « … nous annonçons être favorables à participer financièrement à la phase préliminaire du projet qui consiste à réaliser une étude de faisabilité… ». Plus d’un an après, la Ville recule…

Mais que s’est-il donc passé ?

La réponse n’est pas claire. Au sein même du conseil, il semble y avoir dissension. À preuve, deux élus municipaux participaient à la rencontre convoquée par Marcel Blouin : Brigitte Sansoucy du district Saint-Sacrement et Donald Coté de Sainte-Rosalie. Manifestement, ils étaient là pour appuyer le projet.

Ce qu’on peut comprendre entre les lignes (puisque les plénières du conseil se font à huis clos), c’est que leurs consoeurs et confrères hésitent à se lancer dans un autre projet d’envergure. Ce n’est pas le montant de 50 000$ pour l’étude de faisabilité qui leur ferait peur, mais bien l’engrenage dans lequel ce premier pas les entraînerait.

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La conseillère Brigitte Sansoucy était présente à la conférence de presse.
Photo : PHF.
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Le conseiller Donald Côté était également présent. Derrière, on distingue la silhouette du conseiller David Bousquet, opposé au projet.
Photo : PHF.

Il faut dire que le béton du centre récréoaquatique est à peine sec et qu’il a nécessité un « gros » investissement de la ville. Il y a également le spectre du Centre des arts Juliette-Lassonde qui hante encore les élus avec la véritable saga qu’il a suscitée.

Et c’est sans parler des réticences que les autres élus de la MRC des Maskoutains pourraient avoir à participer financièrement à un projet de Musée régional.

À la séance du 3 octobre

C’est d’ailleurs l’un des arguments amené par le maire Bernier lors de la séance publique du conseil tenue le 3 octobre dernier. Le peu d’enthousiasme manifesté par les maires de la MRC, mais aussi le fait que le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine (MCCC), d’abord engagé à participer financièrement à l’étude de faisabilité, avait retiré ses billes.

Le maire faisait écho aux propos tenus par le conseiller David Bousquet qui a avoué publiquement qu’il avait voté contre le projet. Ce dernier – qui siège à la Commission du patrimoine et au Conseil d’administration du Centre d’histoire, soit dit en passant – arguait qu’il ne pouvait engager l’argent des contribuables pour une étude « qui allait finir sur les tablettes » et que, de toute façon, ce projet n’avait pas fait l’objet d’un engagement lors de la dernière campagne électorale. Dans un communiqué envoyé par la suite aux médias, il précise que la municipalité avait bien d’autres priorités que celle-là.

En contrepartie, la conseillère Brigitte Sansoucy est revenue à la charge en reprenant les arguments des instigateurs du projet à l’effet que l’idée d’un Musée régional était dans l’air depuis belle lurette et que plusieurs personnes y travaillent depuis plusieurs années. Elle a précisé que si Saint-Hyacinthe ne prenait pas sa place, d’autres villes de la Montérégie pourraient la supplanter pour obtenir un tel équipement. Sans surprise, le conseiller Donald Côté a entièrement endossé ces propos.

Pourtant, dans le Plan d’action de la Ville…

Notons que le Musée régional figurait déjà dans le Plan d’action de la Ville de Saint-Hyacinthe 2008-2010 – En référence à la Politique du patrimoine de la MRC des Maskoutains. À la section D (Mettre en valeur notre patrimoine), il est clairement écrit que l’objectif est de « faire de Saint-Hyacinthe une ville qui se distingue au niveau patrimonial ».

On privilégie comme moyen d’action de « mettre en place un établissement muséal ». Quant aux actions clairement identifiées par le document, ils sont sans équivoque : « faire une étude de faisabilité visant à implanter un musée régional… » et « identifier les lieux potentiels et faire les estimations de base ».

Faites-nous rêver !

Suite à la rebuffade de la Ville, le cœur n’était donc pas à la fête lors de la conférence de presse. Une participante a néanmoins voulu changer l’atmosphère, insuffler un peu d’optimisme, en lançant aux membres du comité : « Ce projet de musée peut être emballant, faites-nous rêver ! ».

Malgré les embûches, le président d’Expression, Jean-Marie Pelletier, se dit déterminé à reprendre « le bâton du pèlerin » pour convaincre les élus de l’urgence de réaliser ce projet qui, effectivement, peut faire rêver. L’appui du conseil municipal, voire son leadership, sont néanmoins nécessaires pour s’allier les autres paliers de gouvernement.

La réalisation du Musée régional est évaluée à environ 7,7 millions $. Il nécessiterait une entente tripartite entre la Ville et les gouvernements provincial et fédéral. Saint-Hyacinthe devrait donc assumer de 25% à 33% de la facture.

Du côté de Québec, le comité aurait déjà reçu un accueil « très favorable » de la part de la direction régionale du MCCC. On y verrait même un projet « d’envergure nationale » en raison de la richesse historique et patrimoniale que représente notre région.

Une mobilisation populaire ?

Léandre Dion s’enflamme littéralement lorsqu’il s’agit de vendre l’idée d’un Musée régional à Saint-Hyacinthe. L’importance de nos communautés religieuses, notre riche passé agroalimentaire, nos institutions économiques (notamment les compagnies d’assurance) sont autant d’objets de fierté qui pourraient se retrouver dans un musée. L’ex-député propose même une « mobilisation populaire », via l’internet et les médias sociaux, pour appuyer le projet.

Le comité avait déjà produit un document d’une vingtaine de pages pour mousser l’affaire. Dans cet « avant-projet préliminaire », on y développe un puissant argumentaire sur la nécessité de procéder rapidement à la mise en œuvre de ce projet qui allierait l’art contemporain au patrimoine régional.

Quelques hypothèses de relocalisation sont présentées, incluant des modifications apportées à des bâtiments existants. Cependant, le comité privilégie la construction d’un édifice neuf en raison des spécifications particulières que requiert un musée et ce, à un moindre coût.

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Photo : PHF.

Mais la Ville semble avoir d’autres priorités pour les années à venir. Les projets d’infrastructure ne manquent pas et la promotion de la culture et du patrimoine local ne sera certes pas la « marque de commerce » de l’administration municipale actuelle. Le sort réservé à la Maison Dessaulles et à l’Arche de l’exposition agricole en sont des exemples récents.

Cela n’est pas sans affecter le directeur d’Expression, Marcel Blouin, qui avait mis sur papier ces réflexions quelques heures avant la tenue de la conférence de presse.

Un peu comme une personne malade du foie, ou des poumons,
 
Saint-Hyacinthe est malade de son patrimoine.
 
Nous, on veut le soigner le malade, mais le malade… il hésite, il délire.
 
Un jour il veut se faire soigner,l’autre jour il ne veut pas en entendre parler,
 
puis il veut remettre ça à plus tard.
 
Nous, la famille du malade, notre tâche est de le raisonner, de raisonner le malade.
 
La culture, les arts, le patrimoine, c’est indispensable à la santé d’une personne, d’une ville, d’une MRC, d’une région, d’une nation.
 
Dans ce contexte, le Musée régional de Saint-Hyacinthe, c’est un excellent remède.
 
Marcel Blouin
30 septembre 2011

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