Loisir

Épousailles bières et fromages

Les saveurs offertes par les boissons et les aliments sont une source de plaisir souvent intense. Il se développe spontanément une sensation de bonheur ou de rejet : ça dépend de nos goûts ! À la recherche de l’accord parfait, nous voilà alors distraits par la nécessité de conclure. L’art des accords bières et fromages ajoute une dimension mystérieuse à notre quête. Je vous propose donc de modifier le cadre d’analyse de vos perceptions sensorielles.

La bière est née sous le genre féminin, tandis que le fromage fait partie du patrimoine masculin. La première porte une robe : blonde, rousse ou noire ; elle exprime sa sensibilité pétillante. La spiritualité qu’elle nous présente s’amplifie au fil des gorgées. Elle laisse en souvenir une fine dentelle de mousse sur les parois du verre (ses sous-vêtements ?). On comprend les motivations des bonzes de l’Académie française qui l’ont placée sous le signe de la féminité. Pourquoi donc les immortels classent-ils le fromage dans la division masculine ? Sans aucun doute parce qu’il est gras et qu’il pue. Il y a des pâtes molles et des pâtes dures ; des peaux lisses, balafrées ou croûteuses. Dans tous les cas, il ne laisse fondre son corps crémeux de tendresse que sous l’intimité de notre palais : une caractéristique typiquement masculine.

Je vous propose d’appliquer l’adage de Margaret Lee Runbeck aux épousailles : « Le bonheur n’est pas une destination à atteindre, mais une façon de voyager. » Imaginez votre langue devenir un plancher de danse sur lequel les tourtereaux se déhanchent : les bras maltés de la bière qui enlacent le corps tendre et crémeux du fromage dans une valse qui amplifie le vent houblonné… Votre langue peut également devenir un lit voluptueux par-dessus lequel le fromage allonge ses draps soyeux afin d’accueillir le coulis velouté du caramel de la bière exprimant sa finesse… Même les dissonances peuvent devenir source de plaisir ! Un partenaire qui amplifie l’amertume pour la soulever dans les cieux d’une âcreté insupportable, ou bedon une domination tellement grandiose du terroir fromager que les parfums de la bière deviennent une légende ! Il s’en passe bien des choses dans notre bouche, l’aboutissement de la relation est bien secondaire. L’important est de pouvoir témoigner de l’histoire qui s’est déroulée. C’est un film qui se déploie avec ses moments forts, ses moments tendres, et toutes les émotions que nous vivons. Y’a pas de recette : oubliez les conseils de l’expert bière et « libièrez » vos papilles ! Du coup, votre voûte palatine se transforme en résidence royale dont vous êtes le roi… ou la reine. Il suffit d’être à l’écoute des sensations transmises par le couple bière-fromage.

Le scénario que je propose est simple : on sert à chaque service deux ou trois bières et deux ou trois fromages. L’ordre est secondaire ! En goûtant à toutes les combinaisons, nous invitons six à neuf couples à se courtiser. La « méthode gustative » est la suivante : 1. Prenez une première gorgée de bière. Observez les différentes saveurs. 2. Prenez un premier fromage, mastiquez-le et avalez. Observez encore les différentes saveurs. Prenez une gorgée de la première bière. Observez ce qui se passe à chaque étape (goût, arrière-goût et postgoût). Portez attention aux modifications de saveurs chez chaque partenaire. 3. Chassez les saveurs avec une petite bouchée de pain ou une gorgée d’eau. 4. Prenez une nouvelle bouchée du premier fromage suivie d’une gorgée de la deuxième bière. Comparez avec le premier couple. 5. Faites ensuite la comparaison avec le premier fromage et la troisième bière. Partagez vos observations avec vos camarades. Chacun possède ses propres sensibilités et cette façon de procéder met à contribution les outils de toutes et de tous.

À votre plaisir !

 

Mario D’Eer, Biérologue