Politique

ASSURANCE-EMPLOI : CONFLIT ENTRE LE NPD ET LE PQ

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EXCLUSIF – Manifestement, le député de Saint-Hyacinthe, Émilien Pelletier, et son homologue fédéral, Marie-Claude Morin, ne s’entendent pas sur le rapatriement au Québec du régime d’assurance-emploi. Même s’il n’y a pas eu encore de collision frontale, le conflit devient apparent.

Le différend s’est manifesté lors du passage du Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC), le 20 septembre dernier, au sous-sol de la cathédrale.

Photo: Paul-Henri Frenière.Le député Pelletier était assis à la première rangée et appuyait visiblement les propos tenus par les trois ténors du rapatriement actuellement en tournée, Pierre Céré, Yves Lessard et Roger Valois.

Il faut dire que le rapatriement au Québec de ce régime fédéral faisait partie des engagements de Pauline Marois lors de la récente campagne électorale.

Par ailleurs, Marie-Claude Morin était absente et aucun membre de son personnel politique ne la représentait, même si l’objet de cette assemblée la concernait directement.

Interrogé par MOBILES, l’organisateur de la rencontre, Bertrand Desrosiers, a précisé que la députée avait bel et bien été invitée – et deux fois plutôt qu’une.

Non seulement personne ne s’est présentée, mais l’organisateur aurait entendu dire qu’un membre du personnel de la députée aurait conseillé à des gens  de ne pas participer à cette rencontre.

Le lendemain, MOBILES a rejoint le bureau de Marie-Claude Morin pour connaître sa position sur la démarche du CNC visant le rapatriement. Sans répondre directement à la question, le courriel de son attachée de presse parlait plutôt des critiques du NPD à l’égard des modifications apportées récemment par les Conservateurs.

« Le dossier de l’assurance-emploi en est un d’importance pour les Canadiens, dit le message. Le NPD est très inquiet par rapport aux modifications à l’assurance-emploi qui découlent du budget du gouvernement conservateur au printemps. Les modifications qui s’apprêtent à être portées à la Loi sur l’assurance-emploi nuiront, selon nous, davantage à l’accessibilité du programme, ce qui ultimement pénalisera les travailleurs qui ont pourtant cotisé à la caisse. »

Mais un collègue de Marie-Claude Morin, le député Alexandre Boulerice, avait été plus clair, le 19 septembre, soit la veille du passage du CNC à Saint-Hyacinthe. Selon la Presse canadienne, le gouvernement péquiste ne pourra pas compter sur le NPD pour faire valoir sa cause auprès d'Ottawa. Celui-ci va se ranger du côté du gouvernement conservateur sur cette question.

Le député Boulerice a en effet déclaré "La démonstration n'a pas du tout été faite que c'est en transférant en petits morceaux aux provinces, au Québec ou à d'autres, qu'on va être capables d'aider la situation des chômeurs et des chômeuses au pays… "

Or, le NPD et le CNC s’entendent toutefois sur les effets dévastateurs des politiques conservatrices sur le régime d’assurance-emploi. Sauf que le premier (le NPD) estime qu’il peut améliorer la situation par son travail d’opposition à Ottawa tandis que du côté du PQ et du CNC, on estime que c’est peine perdue et qu’il faut rapatrier de toute urgence le régime à Québec.

La tournée du CNC

Depuis le 11 septembre, le CNC fait une tournée du Québec pour sensibiliser la population à cette « urgence » de rapatrier au Québec le régime d’assurance-emploi. Organisée par la Coalition des Sans-Chemises Richelieu-Yamaska, la rencontre à Saint-Hyacinthe était la sixième à se tenir et la tournée se terminera le 18 octobre à Montréal.

Yves Lessard, Pierre Céré et Roger Valois. (Photo: Paul-Henri Frenière)

Les trois ténors du rapatriement ont apporté des arguments complémentaires en faveur de cette démarche.

D’abord Pierre Céré, le porte-parole du Conseil national des chômeurs et chômeuses, a relaté des cas extrêmes où des fonctionnaires ont appliqué de façon carrément inhumaine la réglementation du régime.

Comme cette femme à qui l’on a réclamé toutes les prestations qu’elle avait reçues, en plus des amendes, puisqu’on avait découvert qu’elle avait un enfant handicapé. « Vous n’étiez donc pas disponible pour travailler » lui aurait-on bêtement signifié.

Il a également tracé l’historique de la dégradation du régime depuis son instauration en 1940, particulièrement depuis l’ère Mulroney, suivi des Libéraux de Jean Chrétien et de Paul Martin qui ont poursuivi le travail de sape.

« On croyait avoir atteint le fond du baril » répétait régulièrement Pierre Céré après avoir évoqué chacune des modifications apportée au régime. Mais le fond s’avérait toujours plus profond, semble-t-il.

Pierre Céré. (Photo: PHF)

« Tous les gouvernements qui se sont succédés à Ottawa depuis 25 ans ont imposé des compressions, en détournant entre 1996 et 2009 près de 60 milliards $ des cotisations ouvrières et patronales et d’ici 2016, ce sont 11 milliards $ qui viendront s’y rajouter. »

« Aujourd’hui, un chômeur sur deux n’a pas droit à l’assurance-emploi, se scandalise Pierre Céré. En 1989, le ratio s’établissait à 85%. Depuis 1997, il est constamment sous la barre des 50% ».

« Prenons par exemple la récente réforme des conservateurs qui s'attaque aux travailleurs saisonniers. Il faut savoir que 40 % des demandes d'assurance-emploi déposées au Canada par des travailleurs de l'industrie saisonnière proviennent du Québec ! »

Devant un mur d’indifférence

Pour sa part, Yves Lessard, qui a été député du Bloc Québécois de 2004 à 2011 et porte-parole en matière d’assurance-emploi, a témoigné de l’insensibilité du gouvernement Harper face à la situation difficile vécue par les chômeurs et les chômeuses.

Quant au syndicaliste Roger Valois, qui fut vice-président de la CSN de 1984 à 2011, il a rappelé les nombreuses luttes que les syndicats et les partis d’opposition ont menées et qui se sont heurtées au mur de l’indifférence des différents gouvernements qui se sont succédés à Ottawa depuis 25 ans.

Les trois conférenciers se sont dits convaincus d'une chose : les travailleurs doivent bénéficier d'une sécurité économique en cas de chômage.

« S'il faut continuer à exercer une pression sur le gouvernement Harper et sa récente réforme, il est aussi possible d'envisager de nouvelles avenues. » estime-t-on.

« Rapatrier l'assurance-emploi au Québec va dans ce sens. Nous en avons déjà rapatrié des bouts, avec la création du Régime québécois d'assurance parentale. Ce projet avait été initié sous un gouvernement du Parti québécois et il a été complété sous Jean Charest. Comme société, nous y avons gagné. Qui prétend qu'on ne peut pas s'occuper du reste? »

« C'est pourquoi nous verrions d'un bon œil la mise en place d'une commission québécoise pour étudier la question et formuler une proposition qui pourrait être déposée à l'Assemblée nationale aux fins de débats. »

Mais cette démarche se ferait vraisemblablement sans l’appui du NPD qui compte livrer seul sa bataille à Ottawa avec, en fond de scène, un nouveau gouvernement du PQ et un Bloc québécois qui voudrait bien reconquérir quelques appuis.