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SPÉCIAL COOPS MASKOUTAINES

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Vous ne savez peut-être pas que 2012, c’était aussi l’Année internationale des coopératives. Autre chose que vous ignorez peut-être : il existe pas moins de 57 coopératives dans la MRC des Maskoutains. Le relevé a été fait par le Centre local de développement des Maskoutains dans le cadre d’une recherche sur l’économie sociale dans la région.

«Une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux ou culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement», telle est la définition qu’en donne l’Alliance coopérative internationale.

Cette volonté de se regrouper pour se donner des services communs, on l’a vécu depuis belle lurette dans la région de Saint-Hyacinthe. Et sans surprise, c’est dans le secteur agricole qu’elle s’est d’abord manifestée.

C’est en 1944, durant la Seconde Guerre mondiale, que la Société coopérative agricole de Sainte-Rosalie est fondée. Par la suite, quatre autres coopératives agricoles de la région se sont fusionnées à cette pionnière pour former la Coop Comax.

Aujourd’hui, la Coop Comax compte plus de 1100 membres et se classe parmi les trois plus importantes coopératives québécoises en fourniture d’intrants à la ferme et dans le groupe des vingt-cinq plus importantes coopératives agricoles au Canada. Impliquée dans une multitude de secteurs, la Coop Comax emploie 200 travailleurs et son chiffre d’affaires frôle les 250 millions de dollars.

Expansion du secteur coopératif à Saint-Hyacinthe

À la fin des années 70 et au début des années 80, le secteur coopératif prend de l’expansion et se diversifie au Québec. Saint-Hyacinthe n’est pas en reste.

La formule est appliquée à divers champs de consommation, notamment l’alimentation. C’est ainsi que l’on voit naître la Coop alimentaire – une épicerie populaire gérée entièrement par ses membres – et la Coopérative d’aliments biologiques, administrée par Lucien Labelle, déjà précurseur d’une tendance. Les deux commerces étaient situés dans le secteur Christ-Roi.

Il y eut également une Coopérative de construction, soutenue à bout de bras par Louis-Philippe Jalbert, qui durera quelques années. Malheureusement, ces coopératives n’ont pas survécu.

Parallèlement à cela, on a assisté à une véritable éclosion de coopératives d’habitation dans la région. Soutenues par des politiques gouvernementales – notamment fédérales – de jeunes familles se sont regroupées pour faire l’achat et la rénovation de maisons locatives. Encore une fois, le phénomène a débuté dans le secteur Christ-Roi, au début des années 80, pour s’étendre par la suite à d’autres quartiers.

Aujourd’hui, Saint-Hyacinthe compte une quinzaine de coops d’habitation qui peuvent posséder, chacune, plusieurs maisons à logements. Le conseil d’administration de certaines coops gère jusqu’à 10 maisons à logements.

Des Maskoutains impliqués

Ce développement du système coopératif dans divers champs économiques a été l’œuvre de plusieurs Maskoutains, bien sûr, mais on constate que la philosophie sociale qui soutenait cette démarche provenait largement d’un groupe de personnes proches du Mouvement des travailleurs chrétiens.

Parmi ces personnes, on peut nommer les prêtres Jacques Bousquet, Guy Daudelin et Denis Plante. À ce noyau se greffaient des laïcs comme Fernand Grégoire, Diane Gingras, Jean-Paul St-Amand, Nicole Duchesne, Louis-Philippe Jalbert, Jean-Paul Gagné, Philippe Young et d’autres. On voulait que les citoyens se réapproprient certains leviers économiques en privilégiant l’entraide et la coopération plutôt que l’enrichissement de certains individus.

La Coop funéraire : un exemple de réussite

C’est dans cette mouvance qu’est née, en 1980, la Coopérative funéraire de Saint-Hyacinthe. Les dix membres fondateurs provenaient de divers secteurs : deux prêtres, un journaliste, une animatrice sociale, une coiffeuse, un travailleur d’usine et un commis de bureau faisaient partie du premier conseil d’administration.

Yves Richard. (Photo: Paul-Henri Frenière)

Les débuts furent modestes. D’abord située dans un sous-sol du secteur Douville, la coop funéraire a commencé à se faire mieux connaître lorsqu’elle aménagea dans un local plus grand dans le secteur Saint-Joseph. En 2004, on fait l’acquisition d’un immeuble sur le boulevard Laurier. La coop change de nom et devient la Résidence funéraire Maska.

Mais c’est en octobre 2012 que la coop maskoutaine a vraiment attiré l’attention. En faisant l’acquisition de l’ancien édifice de la Caisse populaire de Douville, on démontrait de manière spectaculaire le succès de cette entreprise d’économie sociale.

Avec un investissement de plus de 2 millions de dollars, la Résidence funéraire Maska s’est doté d’installations qui n’ont rien à envier à celles d’une entreprise privée. Deux grands salons, un columbarium, une chapelle, une salle de réception : on est bien loin du sous-sol du secteur Douville.

À quoi attribuer ce succès ? MOBILES a posé la question à Yves Richard, directeur depuis 2003. « Il faut faire les choses que les gens veulent, répond-il, être à l’écoute des membres de la coop et ne pas avoir peur d’innover pour répondre à leurs besoins ».

Actuellement, la coopérative compte plus de 2700 membres. « Et il faut dire que depuis notre relocalisation, les demandes d’adhésion ont considérablement augmenté » précise Yves Richard. Trois personnes y travaillent à temps plein (bientôt quatre), et une quinzaine d’autres y oeuvrent à temps partiel selon leur spécialisation.

Aux p’tits soins : une coop de solidarité

Une autre coopérative maskoutaine qui se distingue par son dynamisme est sans nul doute la Coop Aux p’tits soins qui se spécialise dans l’entretien ménager et les services à domicile.

Bruno Decelle. (Photo: Paul-Henri Frenière)

Démarrée modestement en 1999, cette coop compte aujourd’hui 1100 membres et présente un chiffre d’affaires dépassant le million et demi de dollars.

Encore là, les débuts ont été difficiles. Lorsque Bruno Decelle est devenu directeur, en 2004, huit personnes s’étaient succédées à la direction de la coop en l’espace de cinq ans.

Nul doute que l’arrivée de ce jeune diplômé en comptabilité a apporté une certaine stabilité à l’entreprise. Ses compétences ont d’ailleurs été reconnues en 2012 alors qu’il a été finaliste dans la catégorie Jeune Cadre au Gala Révélation de la Chambre de commerce et de l’industrie Les Maskoutains.

La Coop Aux p’tits soins compte actuellement 86 employés dont près de la moitié travaille plus de 30 heures par semaine. Huit personnes sont affectées à la gestion à partir d’un immeuble récemment acheté par la coop.

« Nous tentons le plus possible d’organiser les horaires de travail en fonction de la disponibilité des employés » dit Bruno Decelle. Cette ouverture à la conciliation travail-famille est propre à l’esprit coopératif qui semble régner dans les relations de travail.

De même que le respect des besoins des membres. À l’instar de la coop funéraire, Bruno Decelle croit qu’il faut être constamment à l’écoute des préoccupations des membres de la coopérative. À l’évidence, c’est l’un des secrets du succès.

Les coops survivent mieux que les entreprises privées

Selon une étude émanant du ministère du Développement économique du Québec, les coopératives ont un taux de survie « qui dépasse largement celui de l’ensemble des entreprises québécoises ».

En effet, quatre coops sur dix franchissent le cap de dix ans d’existence comparativement à deux sur dix pour l’ensemble des entreprises du Québec. Lors des dix premières années d’activité, le taux de survie des coops dépasse, en moyenne, de 25,3% celui des entreprises privées.

À quoi attribuer ce phénomène ? Toujours selon cette étude, ce succès serait dû à la finalité même des coopératives : des services aux membres plutôt que le rendement sur le capital.

On parle également du rôle central du membre qui est à la fois investisseur et utilisateur, de l’ancrage de la coop dans son milieu et une structure organisationnelle qui favorise la démocratie.

Bref, toutes des choses que Bruno Décelle  et Yves Richard ont très bien comprises.