Culture

Pour traverser le deuil

Nous devons tous un jour ou l’autre faire face à la mort d’un être cher, d’un animal, d’une relation et rien ne sera plus jamais comme avant. Le deuil qui s’ensuit, incontournable et pénible, se vit différemment chez chacun. Comme par hasard, de nombreux livres, parus récemment, abordent cette thématique. En voici quelques-uns.

Dire adieu à son enfant

Existe-t-il situation plus difficile que de quitter un enfant qui vient à peine de naître? Geneviève Castrée, auteure et illustratrice, est décédée en juillet 2016. Elle a consacré les derniers mois de sa vie à concevoir un album cartonné, dédié à sa fille de deux ans.

Nous devinons combien il a dû être difficile de réaliser ce projet de fin de vie. L’amour infini d’une mère est là au fil des pages, l’impuissance également devant la maladie, devant cette réalité trop injuste!

Le récit passe par les yeux de l’enfant. Elle raconte son quotidien auprès de sa maman qui vit dans une bulle pour se protéger du monde extérieur. Parfois, elle partage cet espace avec sa mère pour prendre le petit déjeuner, dessiner et raconter ses excursions avec son papa.

Ce livre constitue un cadeau immense d’une maman à sa fille, comme un témoignage d’amour pour ceux qui restent après la mort. Remarquable et émouvant!

Les souvenirs d’un être cher

La mort des personnes qui nous sont proches entraîne un grand vide, un vertige face aux jours à venir. Dans ce livre tout simple, Paul Martin met en scène une petite fille qui s’adresse à une personne disparue. La structure répétitive du récit permet de suivre le questionnement de l’enfant face à ce changement.

La fillette fait le tour de la maison puis assise dans la chaise berçante, elle dit : « Je ne te vois plus lire des histoires. Toi dans ton fauteuil préféré, moi sur tes genoux. » Puis, elle passe dans la cuisine : « Je ne te vois plus dans ta cuisine. Tu me laissais goûter tout ce que tu préparais.» On devine l’absence d’un être cher pour cette fillette qui se trouve très désemparée, bouleversée. Mais en revoyant tous ces objets familiers des souvenirs heureux surgissent: «Je ne sais pas où tu es. Mais quand je vois tout ça, je souris. Car je ne vois plus que toi

Collages, photographies et dessins au crayon illustrent avec justesse l’absence, le vide et les objets sans vie dans les pièces de la maison.  Voilà un magnifique album pour apprivoiser le deuil.

La perte d’un animal de compagnie

Une fillette et ses parents trouvent un chat aux Îles Mingan, d’où son nom. Ils décident de l’adopter. La fillette s’en fait un ami, un confident,  mais un jour survient la maladie : « Quand j’entre dans la clinique avec Mingan, papa et maman, mes yeux brûlent. Dans sa cage, Mingan pousse d’étranges miaulements. Il a peur, je le sens, très, très peur. Moi aussi. »

On comprend qu’il faut euthanasier Mingan parce qu’il est trop malade. Désemparée, la petite souffle à l’oreille de son chat : « Je ne t’oublierai pas. »

Un jour d’automne, ensemble, ils vont enterrer son collier, rituel qui fait partie du deuil. Puis vient l’hiver blanc et froid, suivi du printemps où la nature renait. La vétérinaire propose l’adoption d’un chaton, lequel trouve vite sa place au sein de la famille.  On n’oublie pas Mingan, mais on apprend à l’aimer malgré l’absence car la vie continue

Le texte de Marie-Andrée Arsenault aborde la maladie, la mort, le deuil tout en douceur grâce au ton poétique : « Les jours passent. Dehors, les arbres se colorent. Les feuilles tombent comme la pluie. Maman m’apprend à planter des bulbes de tulipes. Elle me promet que le printemps reviendra. »

Amélie Dubois illustre avec beaucoup de tendresse les atmosphères entourant les différentes étapes du deuil de la fillette. Des détails témoignent de l’absence de Mingan : la cage vide, un dessin sur la buée de la fenêtre… puis on craque devant le bébé chaton. Un magnifique album pour aborder le deuil, la perte, le vide.

Le soutien suite au deuil

Madame Lili vit seule avec son canari dont le chant emplit « son cœur d’une joie immense comme le ciel. » Chaque matin, elle quitte la maison et se dirige au parc avec sa valise remplie d’une panoplie d’outils. Cette femme répare tout : pantalons, jouets, chapeaux, lunettes… Mais comment réparer le cœur brisé du petit Jérémy? Délaissant ses outils devenus inutiles, elle lui chante une berceuse si douce que le garçon finit par s’endormir.

Alors Madame Lili se met à composer des chansons pour réparer le cœur blessé d’une fillette qui a perdu son chat, d’un garçon qui s’ennuie de sa grand-maman… faisant ainsi la joie de tout le quartier. Un jour, elle se présente au parc sans sa valise, les yeux rougis, son canari ne chantera plus jamais… Chacun vaquant à ses occupations, Madame Lili se retrouve seule sur son banc avec sa peine… Jusqu’à ce que les enfants reviennent avec une surprise.

Gilles Tibo signe un récit empreint de tendresse, témoignant de l’importance du support des amis et des parents quand nous perdons un être cher.  Le soutien des gens du quartier, grande famille de Madame Lili, lui est d’un grand secours et allège le poids du deuil. Avec ses collages, dessins, gros plans des visages, Irene Luxbacher illustre avec sensibilité les joies et les peines de la vie quotidienne des gens qui entourent madame Lili. 

Cette histoire n’est pas sans rappeler Le jouet brisé de Louis Émond, album qui aborde le recyclage, les relations intergénérationnelles l’entraide de la vie de quartier.

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Marie-Andrée Arsenault. Mingan les nuages. Illustrations d’Amélie Dubois. Montréal, Éditions de l’Isatis. 32p. (collection Tourne-Pierres)

Geneviève Castrée. Une bulle. Montréal, Éditions La Pastèque, 2018, 18 p.

Paul Martin. Je ne te vois plus. Éditions 400 coups, 2017, 28p.

Gilles Tibo. Le grand cœur de madame Lili. Illustrations d’Irene Luxbacher. Toronto, Éditions Scholastic, 2017, 32p.