Chronique

Se débloquer l’ocytocine

francoise_pelletier

Ma mère me disait encore, la semaine passée : ‘’Françoise, t’es due pour une chronique «Mots dits», là’’. Et moi de lui répondre : Ah oui ? Tu me dis pas ? Je ne sais plus de quoi parler, m’man. Je suis un peu découragée. Partout où je regarde il me semble voir les solidarités s’effriter, le filet social se rompre toujours et encore davantage, et le monde s’agiter comme des poissons perdus nageant dans leur nombril.

Et c’est alors qu’elle m’a dit de parler de quelque chose de beau, de léger, pour changer.  

Ça fait donc une semaine que je cherche activement du beau, autour de moi.  Et c’est assise dans la salle d’attente de mon ostéopathe que finalement j’ai trouvé, ou enfin que ma mère a trouvé pour moi en me lisant un petit encart de la belle revue Nature sauvage.

C’est l’histoire d’une expérience sur des campagnols.  Des chercheurs ont séparé en deux un groupe de campagnols et ont donné des chocs légers à l’une des moitiés des micromammifères. Lorsqu’ils ont remis les campagnols qui ont subis les chocs avec les autres campagnols qui n’en avaient pas reçus, ces derniers les ont léchés et en ont pris soin. Les chercheurs ont aussi répété l’expérience sans donner de choc à la moitié du groupe, et lorsque les campagnols ont été réunis il n’y a pas eu de comportements semblables. Enfin, les chercheurs ont bloqué l’hormone d’ocytocine chez les campagnols et alors ils n’ont pas pris soin de leurs congénères, même lorsqu’ils avaient reçu des légers chocs.

Les conclusions de la recherche étaient donc que les campagnols étaient des êtres sociaux qui éprouvaient de l’empathie, au même titre que les éléphants et les humains, et que c’était dû à l’hormone de l’attachement, l’ocytocine.

La beauté n’est pas dans l’expérience elle-même qui a causé sûrement beaucoup de stress et d’anxiété aux campagnols en plus de soulever toutes les questions d’éthiques animales, mais bien dans le fait que des scientifiques reconnaissent que ces micromammifères ressentent de l’empathie et prennent soin les uns des autres.

Peut-être alors que si nous séparions notre groupe d’humains en deux et que nous donnions des chocs à la moitié d’entre nous nous pourrions, nous aussi, ressentir de l’empathie pour nos semblables ? Ça serait-y assez beau, ça ? Un peu trop pour être vrai, et fort peu probable vu la quantité de chocs violents que la moitié d’entre nous voyons l’autre moitié de l’humanité se prendre sans même bouger le petit doigt.

Alors je ne sais pas, mais ça serait quand même bien qu’on réussisse à prendre exemple d’une façon ou d’une autre sur les campagnols (sans se donner des chocs, là, mettons) et à ressentir de l’empathie pour ceux qui vivent des chocs, des traumatismes, des déracinements, des agressions.

Nous aurions grand besoin, me semble-t-il, d’avoir collectivement un bon bain de cette hormone d’attachement, en shooter de Noël ou en pilule miracle.

De se débloquer l’ocytocine, quoi.

C’est donc ce que je nous souhaite toutes et tous en ce début de fin d’année (tiens, j’aurai pris de l’avance, finalement) : des doses massives d’ocytocine sociale, d’empathie pour les autres, et pour nous-mêmes aussi.

P.s. En prime j’ai trouvé le cadeau de Noël de ma mère, un abonnement à Nature Sauvage. C’est-t-y pas beau, ça ?