Chronique

Mixité sociale, vous dites?

paul-henri_freniere

L’un des arguments qu’avance la Ville de Saint-Hyacinthe pour « vendre » son projet de tours d’habitation de luxe, au centre-ville, c’est de favoriser la mixité sociale. C’est-à-dire de mélanger les riches avec les pauvres. De cette façon, on veut projeter l’image d’une intégration sociale et éco­nomique harmonieuse, donc idéale.

 

Mais dans les faits, la réalité est tout autre. Par exemple, le projet présenté par le Groupe Sélection est destiné aux retraités « riches et en santé ». Riches pour se permettre de payer des loyers exorbitants et en santé pour éviter aux promoteurs d’offrir des services médicaux comme les résidences pour personnes âgées. Bref, le meilleur des mondes.

 

On regroupe toutes ces personnes, ayant un profil similaire, dans des édifices luxueux. Dans ces tours d’ivoire, ces cocons de confort, on propose des activités communes et des divertissements. Même pas besoin de sortir. En bonus, une vue imprenable sur la rivière Yamaska et sur la future promenade Gérard-Côté qui sera très belle, promet-on...

 

Et les planificateurs patentés de la mixité sociale s’imaginent que cette classe privilégiée va se mêler avec la population qui grouille à ses pieds? Toujours selon ces idéalistes, la mixité sociale posséderait la vertu « thérapeutique » de donner aux classes populaires une référence de bon comportement basée sur la supposée conduite idéale des classes supérieures. Nenni mon brave, c‘est un concept totalement tordu.

 

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Selon un dossier paru dans la revue Relations, la vérité se trouve ailleurs. En ce qui concerne les relations sociales entre les diverses classes sociales en présence, un bon nombre d’études apportent des conclusions négatives : il ne s’instaure pas de liens sociaux produisant une connaissance et une compréhension mutuelles entre les deux classes économiques.

 

Bien pire, la mixité sociale, dans certaines occasions, peut même être un facteur de dé­séquilibre susceptible de miner les solidarités re­posant sur la similitude des conditions socio-économiques. On désagrège petit à petit le tissus social existant. Dans les cas extrêmes, on assiste à une forme de ségrégation au sein même du quartier et à l’exode des moins bien nantis vers d’autres secteurs de la ville plus financièrement accessibles.

 

Soyons clairs. La mixité sociale est, en réalité, un nouveau concept uti­lisé pour maximiser la rentabilisation de la valeur foncière de l’es­pace urbain. Rentabilisation qui s’avère très intéressante autant pour les promoteurs que pour le trésor municipal, via la taxation.

 

Ainsi, la mixité sociale renvoie à l’équation suivante : densification maximale de la population riche équivaut à l’élargissement de l’assiette fiscale de la Ville.

 

La mixité sociale, telle qu’idéalisée par la Ville, ne peut être qu’un pari impossible. Dans un contexte d’embourgeoisement progressif, l’identité du quar­tier se transformera peu à peu. C’est-à-dire que l’architecture, les commerces, les institutions et finalement les relations interpersonnelles finiront par changer. Et c’est le groupe social dominant qui définira et imposera ses propres normes à l’ensemble.

 

Non, pour une véritable équité sociale en matière d’habitation, il faudra investir massivement dans la création de logements sociaux et abordables. Il ne faut pas s’en remettre au bon vouloir des promoteurs pour réaliser cet objectif. Ils sont là pour faire des profits, point à la ligne.

 

Ce sont les trois paliers politiques qui doivent mettre l’épaule à la roue, le municipal au premier chef.