Culture

Pourquoi je n’écris pas?

C’est la question que se pose Benoit Jodoin dans cet essai.  Jeune auteur né à Beloeil en 1985, il a étudié en littérature et en histoire de l’art. Ses études supérieures l’ont amené à rédiger un mémoire et une thèse. Il a aussi signé plusieurs articles dans des revues spécialisées en arts, donc il a beaucoup écrit. Mais cet essai est son premier texte au « je ». C’est un récit personnel, mais aussi une riche réflexion à propos de la littérature, la lecture et la création. Un livre touchant sur la culture de la pauvreté, les classes sociales, thématiques d’actualité et qui nous concernent tous.

Trouver sa place

Dès la première phrase, l’auteur se justifie : « Je ne suis pas écrivain.  Depuis vingt ans, je tourne autour de l’écriture. Je veux dire que je l’étudie, je la commente, je la lis, sans jamais vraiment m’y mettre activement, passer à l’acte : écrire… par écrire j’entends : m’exprimer depuis mes propres préoccupations et mes expériences, faire confiance à ma voix, prétendre à la littérature. »

La lecture, l’enseignement, l’édition… Toutes ces tâches, ajoutées à l’anxiété sociale et économique, l’éloignent du geste de création qui nécessite une plongée à l’intérieur de soi. La lecture permet de se reconnaître dans la voix des écrivains, « la lecture est une écriture de l’effacement », du silence.

Une chambre à soi

Pour survivre, Benoit Jodoin se construit un univers. Très jeune, il aime être seul au parc et rêve d’une vie de vedette internationale. Il grandit dans la solitude, l’incompréhension, loin du monde, silencieux : « Trop blessé pour m’exposer, pour ressentir quoi que ce soit, trop usé pour me raconter, pour m’expliquer, pour chercher à me solidariser, j’ai trouvé refuge dans une apathie qui m’a fait me détourner de l’extraordinaire entreprise de la création. »

De nouvelles voix

La littérature, qu’on lit, qu’on enseigne et dont on parle, ne fait pas beaucoup de place à la classe de la pauvreté, à la diversité. Aussi faudra-t-il beaucoup de temps avant que Benoit Jodoin trouve sa place dans le milieu littéraire : « Nos milieux intellectuels produisent des microagressions qui blessent les personnes comme moi qui tentent de trouver leur place dans ces milieux sans pouvoir prétendre à cette appartenance de classe si innocemment revendiquée par d’autres ».

L’auteur raconte comment les vidéoclips de MusiquePlus lui ont ouvert les portes de la création : « C’est en téléspectateur que j’ai appris à écrire en m’écrivant. »  Selon lui, les livres de croissance personnelle, snobés par les intellectuels, ne sont pas à négliger puisqu’ils offrent des outils pour mieux se connaître et agir!   

Cet essai personnel, intime, truffé d’exemples et de citations, témoigne du vécu et de la vaste culture de Benoit Jodoin. Récit passionnant, émouvant et si pertinent.  

Il est grand temps de faire place à la diversité tant dans la création que la lecture. Le succès des livres de Caroline Dawson et, tout récemment, de Jean-Philippe Pleau prouvent que nous ne sommes pas tout à fait sortis de la Révolution tranquille et permettent d’espérer une plus grande ouverture.

*************Benoît Jodoin. Pourquoi je n’écris pas. Réflexions sur la culture de la pauvreté. Éditions Tryptique, 2024, 129 p. (Collection difforme)