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Benoît Côté revisite l’histoire du Québec contemporain

Benoît Côté, artiste aux multiples talents, est titulaire d’un doctorat en musique, et ses compositions sont connues ici et à l’étranger. Dernièrement, le comédien-musicien a joué dans la pièce documentaire Run de lait de Justin Laramée. Son premier roman, Récolter la tempête, racontait les rêves de Samuel, adolescent rebelle, déçu de l’échec référendaire de 1995. L’action se déroulait dans la région de Saint-Hyacinthe à la fin du millénaire.

Cette thématique du référendum revient dans son dernier roman, Vies parallèles, paru au printemps dernier. Dans cette uchronie, l’auteur imagine l’histoire du Québec en changeant des éléments du passé. Que serait le Québec aujourd’hui si nous avions voté Oui au référendum de 1995? Voilà le point de départ de ce roman à suspens plein d’humour et de rebondissements.

Mise en abyme

Le personnage principal du roman se nomme Benoît Côté et il est banquier à la HSBCQ. Marié, père de deux fillettes, ce quarantenaire ambitieux passe son temps au travail, voyage régulièrement pour voir ses clients en Europe de l’Est, particulièrement en Russie, pays qui le passionne. Dans ce Québec indépendant devenu un paradis fiscal dont plusieurs ont su profiter, Benoît, un brin pédant, se préoccupe de son image, de sa classe sociale, sans se rendre compte qu’il passe à côté de la vie. Tout au long de l’histoire, l’auteur reprend habilement certains événements et personnages réels transformés dans ce contexte imaginaire où le Québec est devenu une république.

Réalité et fiction

L’histoire débute en 2018, alors que Benoît assiste aux funérailles de Dédé Fortin. Il y croise Mathieu, qu’il n’a pas vu depuis l’époque de ses études. Président d’une confidentielle Société d’histoire du Québec, ce dernier propose un contrat à Benoît. Dans deux ans, ce sera le 25e anniversaire du référendum de 1995 : « On aimerait ça, on aimerait ça que tu écrives un texte où tu te demandes ce qui serait arrivé au Québec si le Non l’avait emporté. » Le banquier hésite, 1995 ravive en lui des souvenirs douloureux, mais la question est intéressante. Il accepte et procède donc à une série d’entrevues avec des personnalités de l’époque : Jacques Parizeau (bien sûr), Richard Desjardins, Lise Bissonnette, Gérard Depardieu (rejoint dans son vignoble près de l’aéroport de Bromont) et Michel Tremblay, qui raconte combien l’ébullition du monde artistique a chuté suite au premier référendum : « Je te dis que c’est pas comparable. Crois-moi! Les gens lisaient, s’intéressaient à ce qui se faisait ici, on était pas inondés par toutes les Netflix… Aujourd’hui, j’suis sûr s’il y avait un jeune, quelque part au Québec, qui écrivait mettons, l’équivalent des années 2020 des Belles-sœurs, bien, je te garantis qu’il y aurait pas un théâtre pour l’accueillir, pas une maison d’édition pour le publier. »

L’auteur d’origine maskoutaine manie bien le réel et la fiction, on reconnait les événements, les personnages, mais tout est décalé et fait parfois sourire. L’intrigue est bien menée, pleine de rebondissements, d’humour et d’ironie. Plusieurs références culturelles, littéraires et musicales témoignent de sa riche culture. Voilà une lecture très plaisante qui amène le lecteur à réfléchir sur le Québec actuel et sur ce qu’il aurait pu devenir.

CÔTÉ, Benoît. Vies parallèles, Éditions Boréal, 2022, 406 p.