Paul-Henri Frenière
DRÔLE DE MOINEAU CE MARC SÉGUIN
Il chasse le gros gibier et les oiseaux. Il cultive un potager bio. Il élève quatre enfants, des poules et des chevaux. Il a écrit deux romans. Mais on l’a surtout connu parce qu’il peignait des tableaux avec des cendres d’humains. C’est Marc Séguin.
On expose actuellement une quarantaine de ses œuvres à Expression, le centre d’exposition de Saint-Hyacinthe. « Le titre de l’exposition, La foi du collectionneur, est en référence au premier roman qu’il a écrit, La foi du braconnier » explique Andréanne Roy, la commissaire de l’exposition.
C’est elle qui a approché cinq collectionneurs québécois pour composer cette rétrospective du travail de Marc Séguin réalisé à partir de ses premiers tableaux, comme étudiant à l’université Concordia, jusqu’à 2011.
Depuis sa première exposition solo qu’il a faite en 1996, à l’âge de 26 ans, sa réputation n’a cessé de croître. Si bien qu’il a attiré l’attention des critiques, des médias et des collectionneurs d’ici et d’ailleurs.
La foi du collectionneur
« Le parcours proposé n’est pas chronologique, explique Andréanne Roy. Il repose plutôt sur des regroupements thématiques et des récurrences formelles. On y découvre, entre autres choses, l’intérêt que l’artiste porte pour les animaux. »
Mais il ne faut pas s’attendre à y voir des petits chats aux grands yeux peints sur du velours noir. Oh que non! Marc Séguin est plutôt weird avec les animaux, comme il l’est avec certains humains d’ailleurs.
Sur l’une de ses grandes toiles, par exemple, il a fixé un gros oiseau mort – un vrai -, avec son sang noir qui dégouline. La proposition est imposante et variée : on y retrouve de petites estampes jusqu’à de très grandes toiles.
Il n’est pas plus tendre avec les humains, disais-je, et il semble avoir développé une aversion particulière pour un certain Roman Abramovitch, un homme d’affaires russe qui a fait fortune dans l’exploitation du pétrole.
Après l’avoir soigneusement dessiné au fusain, sur trois portraits différents, l’artiste l’a volontairement maculé de taches de goudron.
Il est comme ça, Marc Séguin. Il fait de beaux dessins dans divers tons de gris puis, sans nous avertir, il détruit cette belle harmonie en introduisant un intrus dérangeant, un élément perturbateur en quelque sorte.
Sur une toile sobrement peinte monochrome, une tache de couleur qui apparaît subitement, un soleil ou un cœur dessinés naïvement, une robe soleil sur un terroriste afghan : bref, rien de bien reposant.
Prenez ce portrait qu’il a fait de Mata Hari, la célèbre espionne qui est morte fusillée. Il a barbouillé son visage de blanc et tracé une barre rouge sur son buste. Pourquoi ? Fouillez-moi !
Mais c’est peut-être cette impertinence, cette esthétique improbable qui font que ces images se plaquent quelque part dans notre cerveau et y demeurent longtemps.
Une charge symbolique intense où l’idée de la mort n’est jamais loin : champs de bataille jonché de cadavres; églises en ruine réalisées avec des cendres humaines; bandits abattus après leur forfait…
Se rendre sur place
J’aurais aimé illustrer cet article avec quelques images, mais une société de droits d’auteur veille comme un pitbull sur la reproduction de ses œuvres. Il en aurait coûté quelques centaines de dollars pour obtenir l’autorisation : montant qu’un média communautaire comme Mobiles ne peut évidemment pas débourser.
Il faudra donc se rendre sur place, au centre Expression jusqu’au 16 décembre, pour constater de visu le travail de Marc Séguin. Un catalogue de l’exposition est également vendu, mais l’entrée est gratuite comme à l’habitude.
À noter qu’il s’agit d’une exposition itinérante réalisée par le Musée d’art contemporain des Laurentides en collaboration avec la galerie Simon Blais.
(Crédit pour la photo de la Une : Éliane Excoffier)
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