Anne-Marie Aubin
Finalistes du prix Bernadette Renaud – premier volet
Tous les printemps, l’Association des auteurs de la Montérégie récompense les auteurs pour leur texte dans différentes catégories. Cette année, pandémie oblige, la remise des Grands Prix Littéraires de la Montérégie édition 2020 est reportée à l’automne. D’ici là, je vous invite à lire les textes finalistes.
Aujourd’hui je vous propose Au carrefour, un des textes en lice pour le prix Bernadette Renaud décerné de façon bisannuelle à l’auteur/e d’une œuvre pour la jeunesse (roman, poésie, conte, récit, nouvelle).
Au carrefour : un récit humaniste plein d’espoir
Ce titre, qui fait suite au roman Le boulevard, nous transporte dans le même univers, deux ans plus tard. On retrouve Chris, âgé de 21 ans. Il vit en appartement avec son amoureuse Chloé, tous deux entourés de gens bienveillants.
Bien des changements surviennent dans la vie de ces jeunes qui, bien que déficients, apprennent à surmonter les petites épreuves de la vie. Des imprévus, des responsabilités nouvelles, des voyages, des amitiés, des drames et des surprises surgissent dans leur quotidien.
Comme dans le roman précédent, Chris, le héros narrateur, se confie à sa mère qui l’a abandonné. Il espère toujours la voir revenir : « Je me suis même dit que si tu revenais un jour, maman, on pourrait aller ensemble au shack de Joe. […] Le soir, on s’assoirait autour du feu pour le regarder danser. On aurait peut-être pas de TV, mais un feu, c’est encore mieux, maman, parce qu’on pourrait parler. On pourrait se dire qu’on s’aime pis qu’on est redevenus une vraie famille. Tu pourrais même me dire des affaires pas faciles à dire, comme que tu t’es ennuyée de moi, pis que t’es contente d’être revenue pour être avec ton enfant dans un endroit qui ressemble au paradis. »
Chris assure la narration au « tu » sans filtre, sa naïveté et sa vision du monde prennent parfois des allures poétiques. Jean-François Sénéchal réussit à rendre crédibles et touchants le langage et la pensée du héros.
En l’absence de la mère, Madame Sylvester agit comme tutrice auprès de Chris, heureusement. Toutefois il est beaucoup question de « gars », de la relation père-fils dans ce roman. Les pères retrouvent leur place, les garçons aussi. Au-delà du lien familial, Sénéchal montre bien la relation de passeur que peut créer un professeur, un ami, un « helper », un voisin et laisse à chacun une deuxième chance : « Je suis pas fier de qu’est-ce que j’ai fait. […] Dis-toi que c’est jamais facile, abandonner quelqu’un. On a honte. On a mal. Longtemps. On essaie d’oublier, mais on réussit jamais au complet. Ça nous travaille par en dedans. Pis un jour, on comprend qu’on peut pas vivre comme ça jusqu’à la fin de notre vie. […] Plus le temps passait, plus j’avais le goût de te connaître. Pis un jour, pendant que je regardais la mer, j’ai compris que j’étais prêt. J’étais prêt à te rencontrer, peu importe qui t’étais, peu importe comment t’étais. »
L’auteur a choisi une vision optimiste et quelque peu idéalisée de cette solidarité de quartier visant la justice sociale et de l’acceptation de l’autre dans sa différence. Cette lecture a le mérite de donner l’exemple plutôt que de simplement dénoncer. C’est un récit plein d’espoir et d’humanité qui compense pour tous les récits sombres que l’on destine aux ados. À faire lire à tous les jeunes.
*********************
Nadine Descheneaux. Dernier départ pour l’ailleurs. Soulières éditeur, 2018, 123p. (Graffiti +, 119)
Danielle Marcotte. Le tigre de porcelaine. Soulières éditeur, 2019, 98p. (Chat de gouttière, 70)
Jean-François Sénéchal. Au carrefour. Éditions Leméac jeunesse, 2018, 312p.
0 commentaires