Anne-Marie Aubin
Galumpf remporte le prix du Gouverneur général du Canada
Dans son dernier livre, Galumpf, publié chez Alto, Marie-Hélène Poitras a réuni quelques nouvelles et récits. Ce recueil, lauréat du prix du Gouverneur général du Canada, aborde des thèmes chers à l’autrice : la passion des chevaux, la vie urbaine, l’enfance, la famille. Une très belle lecture!
Des nouvelles
Dans La petite fille qui avait un trop gros chien, il est question de la bienveillance des gens d’un quartier de Montréal, préoccupés par la situation d’une fillette laissée à elle-même. Les parents de Miss Soleil sont souvent absents. Son père lui a offert un chien énorme qui s’appelle Steeve. À la lecture, on se demande ce qu’il adviendra de cette fillette, tout comme l’autrice qui nous invite au cœur de la création : « Quand on les entend s’engueuler, on sait que sa mère est rentrée du travail. Cette histoire va mal finir – c’est écrit dans le ciel et dans tous les contes de fées. Sauf qu’à un moment donné, il y a des limites à répéter le même schème, à mettre chaque fois une petite fille en danger. […]
– Non s’écrie mon chum. Je ne veux pas que la petite fille s’en prenne à sa mère!
[…]
– Ne fais pas mal à la petite fille, même si c’est dans une histoire inventée. »
Des récits
Dans cette œuvre, il est souvent question de création et d’écriture, comme dans le récit autobiographique Écrire, monter où se tisse un parallèle entre monter à cheval et écrire : « Sans une vie qui vibre et que l’on ressent fort, sans affrontement ni conquête, il n’y a pas d’écriture possible. Il s’agit d’entrevoir la limite et d’aller la frôler, de s’y colleter pour sentir sa brûlure et, ensuite peut-être de chercher à la dépasser. »
Marie-Hélène Poitras confie qu’elle a commencé à écrire au moment où elle a dû cesser de monter à cheval. On sent le deuil difficile qui l’habite toujours.
Dans le texte Exercices d’empathie, on se retrouve dans la tour de Radio-Canada, au moment où un exercice de feu épargne la narratrice de son évaluation professionnelle. On ne peut s’empêcher de sourire lorsqu’elle dépeint ses collègues pour qui elle tente très fort de développer de l’empathie.
Ce titre intrigant
On apprend à la lecture du texte éponyme « Galumpf » que l’autrice fait référence à un livre de son enfance, Le livre des mots de Richard Scarry, qu’elle attrape au dernier moment alors que sa mère allait le déposer avec d’autres dons dans une cloche.
Ce passage touchant témoigne de la mémoire de l’enfance, des images et des mots dont on se souvient avec émotion :
« Sur la première page, ma mère avait écrit avec un soin appliqué et une bienveillance infinie, d’une main d’écriture qui n’était plus sa calligraphie actuelle: Pour Marie-Hélène, ton premier livre de mots. » […]
« Dans le stationnement du Centre de partage, assise dans le coffre ouvert de la voiture comme lorsque j’étais enfant et qu’on allait voir les feux d’artifice, je me suis mise à le feuilleter avec empressement. Je retrouvais les origines de ma connaissance du langage. Je me souvenais que c’est avec ce livre que j’avais compris, à quatre ans, que les mots étaient des clés. »
À la fin du livre, tous les animaux souhaitent bonne nuit dans leur langue. L’ours fait « grouf »; la souris fait « couii », et le morse dit : « Galumpf, galumpf, galumpf. Les derniers mots du grand livre des mots de Scarry. »
Bref un très beau recueil qui saura vous ravir à coup sûr!
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Marie-Hélène Poitras. Galumpf. Éditions Alto, 2023, 176 p.
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