Paul-Henri Frenière
La Chine débarque au Marché
Pas besoin de prendre un billet d’avion pour faire un voyage en Chine, Karen Tam propose une expédition gratuite au Centre d’exposition Expression jusqu’au 4 février prochain. L’artiste montréalaise d’origine chinoise a aménagé, à l’étage du Marché public, une série d’installations qui évoquent à la fois la Chine et la conception que les Occidentaux s’en font.
Mais c’est un parcours piégé. Ou plutôt une chasse aux trésors. Certains objets ont été trouvés dans un magasin de type « Dolorama » tandis que d’autres sont très précieux comme cette magnifique reconstitution de pagode empruntée au Musée de la civilisation.
À la demande du commissaire Marcel Blouin, des Maskoutains ont aussi apporté leurs « chinoiseries » qui s’incorporent au décor. Il a également emprunté des livres et des objets au Centre d’histoire et au Séminaire de Saint-Hyacinthe.
Mais où est le travail de l’artiste dans tout ça? Il est partout.
Démêler le vrai du faux
Des arches que l’on retrouve à l’entrée des quartiers chinois, des vases ou des figurines en papier mâché, des plateaux finement ciselés, des pagodes miniatures et bien d’autres œuvres de l’artiste qui s’intègrent harmonieusement aux installations.
Karen Tam semble éprouver un malin plaisir à mêler les gens, à faire côtoyer le vrai avec le faux, à faire cohabiter des œuvres nobles avec des objets fabriqués avec des matériaux « cheap », voire récupérés. Mais attention, ce ne sont jamais des objets que l’on pourrait qualifier de « sino-quétaines ».
L’artiste a une profonde connaissance de l’art chinois millénaire et des rapports ancestraux qu’ont entretenus les Occidentaux avec celui-ci. Karen Tam s’est rendu compte que la créativité artistique s’est toujours alimentée de vols ou d’emprunts.
Nous sommes tous des brigands
L’exposition s’intitule d’ailleurs « Nous sommes tous des brigands / We are all robbers » et elle suggère avec une certaine espièglerie que l’art – tout comme l’économie – est basé sur cette « culture du vol ». Ce qui n’est pas sans rappeler l’éternelle polémique sur les droits d’auteur. Les installations proposées sont composées d’objets réalisés entre 2008 et 2017.
Depuis l’an dernier, Karen Tam explore de nouvelles avenues, soit les activités missionnaires du Québec et en particulier celles des jésuites qui ont mené à la création du Musée d’art chinois. Les plus vieux se souviendront des « œuvres de la petite enfance » qui demandaient aux enfants des écoles du Québec d’acheter un petit chinois pour quelques sous. Des exemplaires de ces cartes font d’ailleurs partie de l’exposition, gracieuseté d’une religieuse d’ici.
Le commissaire Marcel Blouin – qui est aussi directeur du Centre Expression – s’est aussi vivement intéressé au sujet. Il est intarissable lorsqu’il aborde l’histoire des relations entre les jésuites et le peuple chinois, par exemple. Il a d’ailleurs signé un opuscule très détaillé sur l’exposition de Karen Tam.
Cette exposition fera du chemin, peut-on dire. Elle est produite en collaboration avec le Musée régional de Rimouski où elle sera présentée du 15 février au 27 mai 2018. Et en 2019, elle sera accueilli par Plein sud, le centre d’exposition en art actuel de Longueuil et enfin par le Musée des beaux-arts de Sherbrooke.
Et ce sont les Maskoutains qui ont l’opportunité d’en profiter les premiers, et ce, jusqu’au 4 février.
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