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Sans Nimâmâ : le drame des femmes autochtones disparues

Mélanie Florence signe une histoire inspirée de la triste réalité des femmes autochtones disparues.

Mélanie Florence signe une histoire inspirée de la triste réalité des femmes autochtones disparues. Raconté parallèlement par la maman et sa fille, ce texte est empreint de poésie et de tendresse malgré la gravité du sujet. Les illustrations de François Thisdale rendent merveilleusement bien l’atmosphère du récit et la spiritualité du peuple Cri. Un petit chef-d’œuvre !

Maman a disparu

Kateri vit avec sa grand-mère depuis que sa maman, sa nimâmâ, a mystérieusement disparu. Cette enfant raconte son quotidien en l’absence de sa maman dont elle conserve de minces et lointains souvenirs. La nuit, et chaque fois que le téléphone sonne, la fillette rêve de retrouvailles. De très loin, là où elle se trouve, sa mère raconte et observe :

« Enlevée de chez moi. Enlevée à ma famille. Enlevée à ma fille. Mon kamâmakos. Mon beau petit papillon. Je me suis battue tellement fort pour que nous nous retrouvions, Kateri. J’aimerais pouvoir te le dire. Quand je n’ai plus été capable de lutter, j’ai fermé les yeux. Et j’ai vu ton joli visage. »

Kateri fait son entrée en classe, cuisine avec sa grand-maman et regarde les photographies dans les albums de famille. « Je retourne les pages et regarde les photos de ma mère. Elle me ressemblait beaucoup quand elle était petite. »

La fillette grandit dans cet univers exclusivement féminin, sans père, ni frère, ni grand-père à l’horizon : que faut-il penser ? Sont-ils les silencieux complices de cette disparition ? « Il faisait tellement noir. Dans la pièce où il m’a emmenée. Quand il m’a laissée. Et après. Je n’ai jamais vu de lumière ou de tunnel. Que l’obscurité. »

Kateri sent la présence de sa maman, tel un esprit qui veille sur elle malgré le temps qui passe. « Je savais que tu étais là pendant une seconde… »

Adolescente, elle se prépare à son bal de fin d’études et, plus tard, à son mariage, puis à son accouchement… Devenue femme, Kateri se rend à la ville avec la photo de sa maman : « Portée disparue. Perdue à jamais… Tant de gens séparés d’une personne aimée. Qui se demandent si elle reviendra un jour. Ou qui doivent continuer à vivre en sachant qu’ils ne la reverront jamais. Trop de disparues et pas assez de gens qui s’en soucient. »

Exemple de résilience, ce récit de vie se termine sur une note d’optimisme : « Ma fille dont je suis tellement fière. Ma fille qui aura la chance de vivre heureuse jusqu’à la fin de ses jours. » François Thisdale excelle à illustrer les états d’âme de la petite orpheline, ses angoisses, son chagrin. Le rêve, la réalité, la spiritualité se marient au décor et au paysage. Tout en retenue, les illustrations suggèrent, laissant place à l’imaginaire. Quelques mots du vocabulaire cri se trouvent discrètement intégrés aux illustrations. Un dossier d’informations complète la lecture à la fin du livre : « En avril 2015, 174 femmes manquaient toujours à l’appel dans l’ensemble des services de police du Canada ; on citait des circonstances suspectes pour 111 de ces disparitions. »

Notre ex-premier ministre, Stephen Harper, a refusé d’ouvrir une enquête nationale : « cette question en soi ne fait pas vraiment partie de nos priorités ». Justin Trudeau saura-t-il remplir ses promesses ? « L’un des objectifs clés de cette enquête sera de veiller à ce que nous reconnaissions cette tragédie et intervenions au sujet de ces pertes de vie et auprès des familles éprouvées. »

Un magnifique livre, émouvant, poétique, jamais moralisateur, à mettre entre toutes les mains !

Mélanie Florence signe une histoire inspirée de la triste réalité des femmes autochtones disparues.

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Mélanie Florence. Sans Nimâmâ. Texte français de Diane Lavoie. Illustrations de François Thisdale. Winnipeg, Éditions des Plaines, 2018, 32 p.