Félix Tremblay
Par amour pour le vert
Pour satisfaire l’idée que les gens se font d’une pelouse parfaite, il a longtemps été de mise de traiter toutes les plantes autres que le gazon ainsi que toutes les espèces qui l’attaqueraient comme étant des espèces nuisibles, espèces contre lesquelles il fallait à tout prix agir. Armés d’agents regroupés sous le terme générique de pesticides pour nous en débarrasser, nous avons littéralement noyé, et ce, pendant des années, nos pelouses avec des poisons pour transformer nos cours en monoculture. La Ville de Saint-Hyacinthe interdit depuis février 2024 l’usage de ces produits. Une excellente idée! Mais pourquoi donc exclure les usages agricoles et les golfs de cette nouvelle réglementation?
Il est généralement admis de tous que les pesticides (insecticides, fongicides et herbicides) nuisent grandement à la santé humaine et environnementale. L’impact de leur utilisation se fait sentir à plusieurs niveaux. Selon Santé Canada, l’exposition aux herbicides serait responsable de cancers, de malformations et autres problèmes de développement, aurait des impacts négatifs sur la reproduction et multiplierait l’incidence d’une multitude d’autres problèmes de santé. D’un point de vue environnemental, ces poisons se retrouvent dans la chaîne alimentaire, déstabilisent les écosystèmes en s’attaquant à un maillon important qu’est l’entomofaune (les insectes) en plus de réduire, de façon plus générale, la biodiversité. Il était donc nécessaire de faire comme plus de 150 autres municipalités du Québec et enfin interdire leur usage.
Il sera peut-être difficile pour plusieurs d’accepter que la pelouse parfaite est un concept absurde, mais au nom de la santé de tous, les changements proposés finiront par être acceptés. Nous verrons donc de plus en plus de pelouses parsemées de pissenlits et autres fleurs autrement plus colorées que le vert du Kentucky bluegrass, puis le retour de polinisateurs et autres insectes qui nourrissent amphibiens, oiseaux et mammifères. Cela ne devrait pas réjouir que les biologistes.
Les simples citoyens seront cependant quasi seuls à participer à cette révolution puisque cette dernière ne s’étendra pas aux terres agricoles ni aux terrains de golf. Ainsi, pour des raisons économiques, on aura fait le choix de permettre que la plus grande proportion des terrains de la région continue d’être recouverte de ces produits dangereux. Il est vrai qu’il aurait été hasardeux de forcer chez ceux qui nous nourrissent un changement aussi drastique que celui imposé en milieu urbain et que l’agriculture est une activité importante qui demande à être accompagnée dans les transitions d’envergure. Ainsi, des mesures incitatives et un plan échelonné sur quelques années auraient au moins pu être proposés. N’oublions pas que la santé de la terre, nos agriculteurs l’ont aussi à cœur. Mais pourrait-on être moins clément envers les propriétaires de golfs? Bien qu’il soit concevable que les greens impeccables participent au plaisir, il n’en demeure pas moins que le golf est un jeu. Nulle part ses règles ne mentionnent qu’il faille absolument que l’environnement en souffre quand des gens y jouent. Ce qui prenait l’allure d’un changement de paradigme environnemental à Saint-Hyacinthe ne sera-t-il malheureusement rien d’autre qu’un bête rendez-vous manqué?
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