Paul-Henri Frenière
LA COMMISSION DUCEPPE DÉBARQUE EN VILLE
La Commission nationale d'examen de l'assurance-emploi, coprésidée par Gilles Duceppe et Rita Dionne-Marsolais, s'est arrêtée à Saint-Hyacinthe le 25 septembre dernier : une 13e étape dans cette consultation qui vise à Identifier et documenter les impacts de la réforme du régime d’assurance-emploi sur les travailleurs et certains secteurs économiques au Québec.
Et c'est à Saint-Hyacinthe que la puissante Union des producteurs agricoles (UPA) a choisi de présenter son mémoire. Le vice-président de l'UPA, Pierre Lemieux, accompagné du directeur des finances, Denis Roy, ont tracé un portrait bien négatif des effets de cette réforme instaurée par le gouvernement Harper.
Depuis le 6 janvier dernier, après six semaines de chômage, les prestataires fréquents de l'assurance-emploi sont tenus d’accepter tout emploi à 70 % de leur ancien salaire, indépendamment de leur domaine de spécialisation, pourvu que ce travail se trouve à moins d’une heure de déplacement de leur résidence. Ainsi, un travailleur saisonnier payé à 14,50 $ l’heure sera contraint d’accepter un emploi au salaire minimum de 10,15 $ l’heure à 100 km de chez lui. À défaut d’accepter, la personne se voit tout simplement couper ses prestations.
« Pour 16 000 travailleurs expérimentés qui reviennent normalement chaque année travailler sur nos fermes, il est clair qu’ils seront désormais poussés vers d’autres types d’emplois, les amenant dans bien des cas à se localiser ailleurs. Les agriculteurs, qui vivent déjà dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre, craignent donc de perdre ces travailleurs compétents » déplore l'UPA.
En 2013, 21 % des travailleurs saisonniers ne se sont pas représentés au travail, selon une enquête effectuée par l'UPA. Ce nombre devrait croître de façon critique en 2014, d’autant qu’après les périodes prescrites par le programme, les prestataires de chômage verront leurs allocations amputées s’ils refusent des emplois.
Une dévitalisation des milieux ruraux
« Plusieurs employeurs agricoles devront vraisemblablement repartir à zéro chaque année avec de nouveaux employés. Cette perte de travailleurs expérimentés aura des conséquences importantes pour toutes les entreprises concernées » constate Pierre Lemieux. On estime que l'entraînement d'un nouvel employé peut coûter jusqu'à 8 000$ en frais supplémentaires.
L'UPA croit également que cette réforme va contribuer à la dévitalisation des milieux ruraux, ce qui touche particulièrement la région de Saint-Hyacinthe qui accueille les nouveaux arrivants. « La réforme met tout en place pour dévitaliser le milieu rural en imposant l’exode des travailleurs saisonniers vers les villes. Nous ne pouvons passer sous silence le fait que les nouveaux arrivants sont d’abord attirés par les grands centres, là où il y a plus d’emplois et de services. La réforme va créer un effet attractif de plus en faveur des milieux urbains » déplore l'UPA.
Comme la majorité des intervenants qui s'adressent à la commission, l'UPA critique le gouvernement fédéral pour ne pas avoir réalisé une étude d'impact avant de mettre en œuvre sa réforme de l'assurance-emploi.
Outre le mémoire de l'UPA, la commission a également reçu les documents de la Fédération interdisciplinaire de l'agriculture ornementale du Québec, du Chantier sur la saisonnalité ainsi que de la Coalition syndicale.
Par ailleurs, Manon Lavoie, de l'Association des paysagistes professionnels du Québec et copropriétaire de Aménagement Passion Paysages Inc. a livré un témoignage éloquent sur les ennuis que lui cause déjà la réforme dans la gestion de son personnel.
Ont également témoigné devant les commissaires, Rosetta Bruno pour l'AFEAS Saint-Hyacinthe et Yvan Boulay pour le Mouvement Action-chômage de Saint-Hyacinthe, ainsi que Francine Mainville de NMP Golf Construction et le citoyen Jacques Lanciault.
La tournée de la commission se termine le 10 octobre à Québec et le rapport devrait être déposé le 30 novembre à l'Assemblée nationale.
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