Roger Lafrance
L’itinérance : un phénomène grandissant
Dans les grandes villes, l’itinérance est plus visible que jamais. Saint-Hyacinthe n’y échappe pas.
Josianne Daigle est bien placée pour parler de l’itinérance. Son organisme, le Centre d’Intervention Jeunesse des Maskoutains, gère le Coin de rue, un centre de jour qui dispose de 6 lits d’urgence. On y offre de l’hébergement jusqu’à un maximum de 10 nuits par mois.
Habituellement, les six lits sont occupés, confirme la directrice de l’organisme. Depuis avril, 127 personnes y ont été hébergées, presque autant que la dernière année au complet. En plus de l’hébergement, le Coin de rue offre de l’écoute et du soutien, de l’accompagnement pour obtenir des papiers d’identité, la carte d’assurance-maladie ou pour ouvrir un compte bancaire. On s’adapte aux besoins de chaque personne.
Mais ces statistiques ne sont que partielles, prévient Josianne Daigle. L’itinérance va bien au-delà des personnes qui n’ont pas de toit pour dormir.
«Pour nous, la définition de l’itinérance, c’est de ne pas avoir une adresse à soi, souligne-t-elle. Si tu es dans la rue, si tu couches chez quelqu’un qui te dépanne, si tu es une femme et que tu t’es fait un chum pour avoir un toit, c’est de l’itinérance.»
En octobre 2022, un dénombrement a permis d’établir le nombre de personnes itinérantes à 78 à Saint-Hyacinthe, soit 10% de toute la Montérégie. La situation est certainement différente aujourd’hui avec la crise du logement que nous connaissons.
«Notre défi reste le logement abordable. Ce qui est nouveau pour nous, c’est le nombre de travailleurs qui gagnent de petits salaires et qui n’arrivent plus à se loger. C’est un défi auquel les autorités ne sont pas prêtes à faire face.»
Différents visages de l’itinérance
L’itinérance prend différents visages: jeunes des Centres Jeunesse qui doivent se débrouiller seuls, prestataires de l’aide sociale ayant des prestations réduites, locataires évincés de leur logement, même des personnes âgées. Certains dorment dans leur voiture, d’autres chez un proche ou un ami ou passent la nuit dans l’entrée d’un guichet automatique.
Comme partout ailleurs, le phénomène touche surtout les hommes (80% des personnes concernées). À cela, s’ajoutent les problématiques de consommation et la désorganisation causée par un trouble de santé mentale. L’itinérance est davantage un symptôme de ce qui ne fonctionne pas chez la personne concernée.
«Nous, on ne parle plus d’itinérants mais de citoyens en situation d’itinérance, précise Josianne Daigle. Nous voulons que les gens comprennent que ce sont d’abord et avant tout des citoyens.»
La présence de personnes itinérantes autour du marché au centre-ville a été soulevée au cours des dernières semaines. Lors de la réunion du conseil municipal du 18 septembre, le maire André Beauregard a indiqué que la Ville travaillait à trouver des solutions avec les services policiers et le réseau de la santé.
Pour Josianne Daigle, les solutions face à l’itinérance sont multiples. «Ça va vous surprendre mais pour moi, ça ne passe pas par l’ajout de places d’urgence. Cette solution n’est qu’un plaster sur la situation.»
Pour elle, l’État doit revoir son soutien pour les personnes ayant de faibles revenus, incluant les travailleurs. Il devrait imposer un gel des loyers, des mesures réelles pour s’attaquer la hausse des coûts pour les biens essentiels, et évidemment davantage de logements abordables. Bref, une batterie de mesures pour s’attaquer aux racines de l’itinérance.
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