Sophie Brodeur
Péter notre balloune
Les nouvelles directives de Santé Canada ont été rendues publiques en janvier dernier. On le sait maintenant, il n’y a pas de consommation d’alcool vraiment sécuritaire. Les réactions à ces nouvelles normes sont diverses. Certains trouvent que Santé Canada a pété leur balloune et que le gouvernemaman est un casseux de party imbuvable. D’autres sont consternés de découvrir les effets délétères insoupçonnés de l’alcool sur leur santé. Nous, ce qui nous a impressionnés, c’est le « timing » de l’arrivée de ces nouvelles normes
Elles arrivent en effet alors que la population reprend, de plus en plus, une vie normale post-pandémie. Avez-vous remarqué que, pendant la pandémie, la SAQ était-elle demeurée ouverte en tant que service essentiel? Il est même arrivé que François Legault, dans une de ses adresses paternalistes quotidiennes au bon peuple, nous dise qu’un bon verre de rouge, ça fait du bien! Une chance que les nouvelles directives ne sont pas sorties durant la pandémie, comment aurions-nous survécu?
En plus, ces nouvelles normes sont arrivées juste à temps pour la dixième édition du Défi 28 jours sans alcool du mois de février. Pour les participants, il s’agit de prendre du recul par rapport à leur consommation d’alcool et de contribuer, si désiré, à une bonne cause. Ces 28 jours de réflexion peuvent amener des gens modifier leur perception du rôle de l’alcool dans leur vie.
Déjà, en tant que société, on a fait du chemin sur la consommation d’alcool. Il faut le dire, on est loin des ivrognes de Mon oncle Antoine et de Broue, comme représentation du buveur québécois. Nos téléromans et notre cinéma nous montrent maintenant des personnages qui s’ouvrent une bouteille de vin à la fin d’une journée difficile, moment où un verre est « bien mérité »! Ça ressemble à la vie de plusieurs Québécois : on boit toujours, mais on ne se saoule pas autant.
L’alcool est devenu, au fil des chroniques de spécialistes à la radio, à la télé et dans les médias, un marqueur de statut social. Les légions de mixologues en font foi. On connaît tous quelqu’un qui peut nous faire six déclinaisons de Martini. On est loin du Baby Duck et de la Dow. Il est maintenant possible de prendre l’apéro, de déguster notre repas en accord avec un vin nature, écologique et biodynamique, puis de passer au digestif, le tout made in Québec. Boire mieux, ça va… Boire moins, pas sûr!
Au Québec, on aime l’alcool. Il est associé au plaisir, aux rassemblements, à la convivialité. Notre industrie se développe de plus en plus : distilleries, vignobles, brasserie artisanales, les choix d’alcool local se multiplient. Nous aimons notre alcool, disions-nous. Il nous permet d’évacuer le stress de nos journées de course effrénée et agit comme liant social dans les 5 à 7 et les soirées. Pour bon nombre d’entre nous, avouons-le, l’alcool a mis un baume sur l’anxiété reliée au confinement durant la pandémie.
Malgré notre propension à l’automédication, nous savions que l’alcool n’est pas super bon pour la santé. Là, on vient de nous le confirmer sans équivoque puisque la norme qui détermine l’excès vient de diminuer drastiquement. Nous sommes sous le choc! Finie la limite des 15 consommations pour les hommes et des 10 pour les femmes, par semaine. Maintenant, hommes et femmes sont égaux devant l’alcool. Au-delà de deux verres par semaine, c’est risqué pour tous.
Les nouvelles normes font toute une scratch dans notre disque. Fini le party! La coolitude liée à notre raffinement par rapport à l’alcool en prend pour sa cirrhose. Comment, à la lumière des nouvelles directives, se présentera notre paysage socio-culturel? La nature de nos activités sociales, 5 à 7, soupers entre amis, changera-t-elle?
Les gens adopteront-ils les nouvelles directives? Qui sait? Mais il peut s’avérer intéressant de réfléchir à sa relation avec l’alcool. Plusieurs participants au Défi 28 jours sans alcool ont noté des effets bénéfiques sur leur santé, notamment un meilleur sommeil, une perte de poids, des idées plus claires, une meilleure concentration et un regain d’énergie. De plus, ils ont aimé avoir plus d’argent dans leurs poches. Si ces effets bénéfiques de la non consommation d’alcool vous inspirent, alors les nouvelles normes sont bienvenues pour vous. Sinon, vous demeurez libre de boire à votre guise.
Nous levons notre mocktail, février oblige, à votre santé!
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