Anne-Marie Aubin
Selon Marie-France Bazzo, Nous méritons mieux
Marie-France Bazzo a eu la chance de travailler auprès de Pierre Bourgault, à Radio-Canada. Elle a ensuite orienté sa carrière dans les médias : chroniqueuse, animatrice et productrice. Elle couvre à la fois les imprimés, la radio et la télévision. En septembre 2013, elle est devenu la première femme à animer l’émission matinale de la Première Chaîne, C’est pas trop tôt !, brutalement interrompue en 2015 par la directrice de Radio-Canada, sans explication aucune. Marie-France Bazzo a choisi de prendre du recul pour réfléchir et écrire à propos de la situation actuelle des médias.
Contribuables, nous méritons mieux
Cet essai ne constitue pas un règlement de comptes. Il s’agit plutôt d’une diatribe face à l’orientation décevante des médias (de la télévision surtout), tant au niveau de l’information que du divertissement. L’auteure insiste sur le fait que nos impôts assurent leur existence : « Ne serait-ce que pour cela, ils devraient nous représenter, nous élever, s’intéresser à nous dans toute la diversité de nos provenances, expériences et aspirations. Nous espérons mieux, nettement mieux. »
La crise des médias
La crise d’identité des médias québécois face à la technologie (Netflix, Apple, Disney), le manque de financement, la perte d’auditoire et de lectorat, tout cela entraîne une perte de confiance du public. Plusieurs critiquent les journalistes, quittent les médias traditionnels et choisissent de s’informer autrement. La pandémie a entraîné diverses initiatives (balados, blogues…) en marge des médias conventionnels, comme quoi ces derniers ne suivent pas le rythme de la créativité.
Dénoncer et proposer
Bazzo explique, sans ambages (quelques anglicismes et sacres inclus), comment nous avons perdu notre liberté de dire, de réfléchir, de parler vrai. Avec vigueur, elle aborde en 16 chapitres les différentes lacunes des médias et propose des solutions.
De sa riche expérience, elle nous offre trois check-lists : « ce que ça prend en 2020 pour faire carrière dans les médias ; les 10 mots pour parler la langue des médias québécois en 2020 et les choses à faire si j’étais directrice de programmation d’une chaîne publique.
Débattre et réfléchir
Pourquoi tout doit-il être léger ? Pourquoi ne pas « élever le niveau collectif, faire œuvre utile, élargir le spectre des connaissances, de tous types de connaissances, au lieu de se contenter de babiller, de rigoler et de chialer » ? L’omniprésence de l’humour témoigne d’un vide : on rit pour oublier. Devant la trop grande place des réseaux sociaux, ses hurlements et les propos intimidants qu’ils entraînent, elle propose de créer plus de sens que de bruit ; face au jeunisme et à la dictature des vedettes, elle invite toutes les générations à contribuer à la transmission d’un savoir-faire.
Pour remplacer les « opinions », elle propose de vrais débats portant « sur le sujet du jour et l’économie, des émissions littéraires où on donne la parole aux auteurs et aux critiques et pas seulement aux vedettes qui ont lu un livre […]. Je parle de télé généraliste, de formules innovantes, de présentateurs ou d’animateurs investis et enthousiastes de contenus soutenus. Je me répète : nous y avons droit. »
La censure et la langue épicène
Un fossé se creuse entre une minorité militante et la majorité de la population. Une autocensure s’exerce pour ne pas irriter ces « bien-pensants » : « La chronique culturelle, sur certains réseaux, commence, elle aussi, à revendiquer un biais moral, ne jugeant plus de la qualité artistique des créations, mais comptabilisant le nombre de femmes ou de personnes racisées dans une production comme principal outil d’analyse. Certains chroniqueurs pensent faire avancer la société en effaçant certains mots. L’idéologie ne dit pas son nom, mais elle revendique sa place. »
À lire absolument, car nous sommes tous des producteurs de contenu avec Facebook, Instagram, Twitter…
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BAZZO, Marie-France. Nous méritons mieux : Repenser les médias au Québec, Montréal, Les éditions du Boréal, 2020, 216 p.
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