Rang de la dérive : quand rien ne va plus…

Lise Tremblay a grandi dans le milieu ouvrier de Chicoutimi. Après des études en littérature, elle a enseigné au collégial plusieurs années avant de se consacrer entièrement à l’écriture. En 1999, La danse juive a remporté le Prix du Gouverneur général, en 2003, La héronnière est couronné du Grand Prix du livre de Montréal. Sa dernière publication, Rang de la dérive, réunit cinq nouvelles mettant en scène des femmes à un tournant de leur vie. Chacune des nouvelles est narrée par un personnage féminin qui ose tout quitter pour une vie plus sereine.

L’urgence de vivre, libre

Dans la première nouvelle, Rang de la dérive, une femme de quinze ans plus jeune qu’Éli, son conjoint, souffre dans cette relation vide de sens depuis plusieurs années. Après leur rencontre, il avait quitté sa femme Constance et ses deux garçons pour vivre un amour passionné avec elle, jeune doctorante. Maintenant retraité, Éli a perdu contact avec le milieu intellectuel, vieillit mal et refuse de vieillir à coup de jus vert, de séances d’acuponcture, de gym… L’héroïne repense sans cesse à cette phrase qu’une écrivaine italienne lui avait dite à la fin d’un entretien : « Nous, les femmes, nous accordons beaucoup trop d’importance à l’amour. » En cachette d’Éli, elle va à la rencontre de Constance qui tisse des paysages dans le village de son enfance au Bas-Saint-Laurent. « À travers ma ménopause, le divorce et l’adolescence des garçons, je n’arrivais pas à penser. Mais ici, depuis dix ans, je tisse et je pense. […] C’est un grand luxe de penser, d’avoir le temps de penser. » Rencontre improbable, mais déterminante pour ces deux femmes.

Cinq nouvelles, cinq femmes en dérive

Chacune des nouvelles est construite de façon semblable. Dès les premières lignes, l’autrice nous présente une femme d’âge mûr et son entourage dans un contexte où rien ne va plus. Un retour dans le passé nous présente ces mêmes personnages plus jeunes, leurs amours, leur travail, leur cheminement au fil des ans. S’ensuit le constat d’un échec.

L’autrice nous emporte dès les premières lignes au cœur de ces femmes qui souffrent, qui dérivent. Honteuses, blessées, elles décident de tout quitter. De façon parfois précipitée, souvent en cachette, elles fuient pour accéder à la paix. Nous faisons route avec elles vers la Côte-Nord, le Bas-Saint-Laurent, l’Estrie, la Gaspésie… dans des villages aux vastes horizons, où l’on peut respirer en paix et penser enfin à soi.