Société
Réforme Barrette

« J’ai ressenti du mépris »

- Jean Lemonde, président du CSSS-RY
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« J'ai ressenti du mépris de la part du ministre Gaétan Barrette. Du mépris envers moi personnellement et envers tous les administrateurs bénévoles qui oeuvrent dans le réseau de santé ».

Jean Lemonde. (Photo: Paul-Henri Frenière)

Telle est la première réaction publique du président du conseil d'administration du CSSS Richelieu-Yamaska, Jean Lemonde, concernant l'importante réforme qu'entend effectuer le gouvernement du Québec. Cette réorganisation majeure entraînera l'abolition des conseils d'administration actuels des CSSS pour les remplacer par des mégastructures sous le contrôle quasi total du ministre de la Santé.

Dans une entrevue exclusive accordée à MOBILES, Jean Lemonde s'est dit également troublé par les propos de la députée caquiste de Saint-Hyacinthe à l'Assemblée nationale, Chantal Soucy. Cette dernière a déclaré récemment dans les médias locaux qu'elle applaudissait le projet de loi 10 parce qu'il assurerait une meilleure gestion et engendrerait des économies.

« Cela démontre une méconnaissance totale du fonctionnement du réseau de la santé, a réagi Jean Lemonde. Comme si le conseil d'administration n'était là que pour gérer un hôpital et une urgence. C'est bien plus que ça! Il y a tout le volet de la prévention qui est en cause et bien d'autres choses».

Jean Lemonde est impliqué bénévolement dans le réseau de la santé depuis près de 30 ans. En 1985, il avait été approché par le député provincial du temps, Charles Messier, pour faire partie du premier conseil d'administration du CLSC des Maskoutains. Depuis lors, il n'a jamais cessé de siéger sur divers conseils d'administration tant régionaux que nationaux.

Une désastreuse perte d'expertises

La réforme annoncée concentrera les prises de décisions dans un Centre intégré de santé et de services sociaux qui, pour toute la Montérégie, sera situé à Longueuil. Les administrateurs, nommés par le ministre, remplaceront les 11 conseils existants. Ce grand territoire regroupe plus d'un million et demi de personnes.

Jean Lemonde y voit une désastreuse perte d'expertises qu'apportent les membres actuels des conseils d'administration. « Nous sommes les yeux et les oreilles de la population, explique-t-il. Cette proximité nous amène à prendre des décisions en fonction des réalités vécues par nos concitoyens. La situation à Saint-Bruno n'est pas la même qu'à Acton Vale, par exemple, et nous en avons toujours tenu compte. Je ne crois pas qu'on aura la même écoute au conseil d'administration à Longueuil ».

Il fait également mention de tous les partenariats fructueux que le CSSS a développé depuis des années avec les municipalités du territoire, les MRC et les organismes communautaires. Il cite plusieurs exemples dont l'instauration de centres de vaccination dans certaines municipalités rurales de la MRC des Maskoutains.

« Ce n'est pas que je sois réfractaire à tout changement, tient-il à ajouter. Je crois qu'il y a toujours place à des améliorations. Mais des améliorations ciblées et réfléchies. Avec ce projet de loi, ce n'est pas le cas ».

Il s'inquiète du sort qui sera réservé aux fondations qui apportent une aide financière indispensable depuis le désengagement progressif de l'État. Il s'interroge également sur la place que tiendront les comités des usagers dans cette nouvelle structure. « Durant toutes mes années d'engagement, j'ai toujours eu à cœur que l'usager soit la priorité du système » dit-il.

Il a pensé démissionner le jour-même

Jean Lemonde déplore que cette réforme ait été faite sans consulter les principaux acteurs du réseau de la santé. « Lorsque j'ai entendu le docteur Barrette annoncer la nouvelle, le 25 septembre, j'ai pensé donner ma démission le jour-même au conseil d'administration ».

S'il ne l'a pas fait, c'est par respect pour ses collègues et pour la population. La veille de son entrevue avec MOBILES, il avait tenu une longue réunion avec les administrateurs du CSSS-RY. « Les avis sont unanimes, déclare-t-il, cette réforme ne passe pas! ».

La commission parlementaire sur le projet de loi 10 a débuté lundi le 20 octobre et devrait se conclure le 3 novembre. Déjà la plupart des organismes entendus, dont les médecins, ont manifesté leur désaccord. Le ministre Barrette entend mettre en vigueur les dispositions de la loi dès le 1er avril 2015, ce qui signifiera la disparition des agences de santé et des CSSS,

« Je ne peux même pas dire que je vais perdre un emploi : je suis bénévole » ironise Jean Lemonde, non sans une certaine amertume.