Culture

Denise Brosseau, une femme occultée de l’histoire.

Autrice prolifique, Élise Turcotte est née à Sorel comme sa tante, Denise Brosseau. Dans son dernier roman, Autoportrait d’une autre (finaliste au Prix des libraires), elle nous offre un autoportrait double : le sien et celui de sa tante. Le roman, tel une enquête, permet de découvrir cette Soreloise méconnue, un personnage que l’histoire a occulté, comme bien d’autres. Des années de recherches, de lectures et de voyages ont permis à l’autrice de tracer le parcours de Denise Brosseau, ici, au Mexique et en France, de sa naissance en 1936 jusqu’à la fin de sa vie en 1986.

Un chantier d’envergure

Écrire la vie d’un membre de notre famille, sans son consentement, après son décès, voilà une question délicate : « J’écris à propos d’une femme qui a existé. J’ai demandé la permission à son fils et il me l’a donnée. Mais je ne suis toujours pas certaine de l’éthique. A-t-on le droit d’écrire sur quelqu’un? Peut-on s’approprier la vie d’une personne? ». Élise Turcotte a plusieurs points en commun avec sa tante, ce qui l’amène à rédiger ce passionnant récit de vie.

Fragments de vie

Le texte est construit de façon impressionniste : des fragments épars de sa vie, des archives, des souvenirs, des rencontres, des lectures de l’autrice. Le tout est rassemblé en trois grandes parties – Paris, Mexico et Montréal – qui réunissent des chapitres courts comme des pièces du casse-tête à assembler. Avec la narratrice, nous voyageons dans le temps et dans l’espace, nous voulons comprendre comment la maladie mentale a pu détruire l’existence de Denise.  

Triste destin

En 1958, à Paris, Denise épouse Alexandre Jodorowsky – artiste franco-chilien – et le quitte en 1962. De son second mariage en 1972 avec le peintre mexicain Fernando Garcia Ponce naît Esteban. Denise étudie et veut devenir professeure. Installée à Paris en 1976 avec Fernando et son fils, des crises psychologiques la forcent à rentrer au Québec.

Comme trop d’artistes québécois, Denise traverse des périodes sombres : « Le nom de la maladie n’est jamais prononcé. L’alcoolisme oui, oui, mais pas l’autre. Ça ne se dit pas, en fait non, ça ne se sait pas. … Il n’y a plus personne. La maladie l’a isolée. La maladie est un manteau très lourd. »

La société étouffante du Québec des années 50 ne permet pas aux artistes de s’exprimer librement, c’est pourquoi plusieurs ont choisi l’exil et d’autres, le suicide : « En 1954, Borduas exprime le souhait que le suicide cesse, au Canada, d’être la seule solution honnête à la tragédie de nos poètes ».

L’autrice trace le portrait d’une époque à travers le récit de vie de Denise et le nombre impressionnant d’artistes qu’elle a croisés tout au long de sa vie : auteurs, comédiens, peintres, sculpteurs. Une femme d’exception à découvrir absolument. Si vous avez aimé La femme qui fuit d’Anaïs Barbeau-Lavalette, vous allez adorer.

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Élise Turcotte. Autoportrait d’une autre. Éditions Alto, 2023, 265 p.