Opinion

Travailleurs étrangers : la question qui tue

Photo : Freepik

Sommes-nous condamnés à avoir recours aux travailleurs étrangers pour combler nos besoins en main-d’œuvre?

Assez étrangement, c’est la question que personne ne se pose présentement, même si l’immigration et les travailleurs étrangers défraient les manchettes depuis plusieurs mois. Pourtant, elle mériterait d’être abordée, ne serait-ce que pour tenter de trouver des solutions viables face à la pénurie de main-d’œuvre.

Dans ce dossier, une statistique est particulièrement révélatrice : depuis deux ans, le nombre d’immigrants temporaires a doublé au Québec, passant de 300 000 à 600 000 personnes. Cette catégorie regroupe les travailleurs étrangers temporaires (les TET en langage bureaucratique) et les étudiants étrangers.

Affirmer que nos gouvernements ont perdu le contrôle de la situation relève de l’évidence. Évidemment, tant le fédéral que le provincial ont annoncé récemment un resserrement des travailleurs étrangers mais ces restrictions ne s’appliqueront pas aux secteurs de l’agriculture, l’agroalimentaire, la santé et la construction. On peut vraiment se demander si ces mesures auront un réel impact.

Il était une époque où les travailleurs étrangers se limitaient au monde agricole, principalement les fermes maraîchères. Les gens du sud venaient faire «leur Baie James» durant 5 ou 6 mois dans nos champs, le temps de ramasser de l’argent pour faire vivre leur famille restée dans leur pays d’origine.

Aujourd’hui, les travailleurs étrangers ne sont plus limités à l’agriculture, on les retrouve aussi dans beaucoup d’usines. Selon des chiffres communiqués par Saint-Hyacinthe Technopole, il y aurait 445 travailleurs étrangers temporaires dans 99 entreprises de la région. Comme la participation au sondage était libre, on peut supposer que dans la réalité, leur nombre est beaucoup plus élevé.

Et ces chiffres n’incluent pas les demandeurs d’asile qui, eux, peuvent bénéficier d’un permis de travail.

Bien des usines ne pourraient donc pas fonctionner sans les travailleurs étrangers. Est-ce normal? Et comment en sommes-nous arrivés là?

On pointe le vieillissement de la population, surtout avec le départ à la retraite des baby-boomers, mais les entreprises ont aussi leur part de responsabilités. Certaines devraient-elles investir davantage pour moderniser leurs opérations? Y aurait-il moyen de rendre ces emplois plus attrayants?

Certaines voix remettent aussi en question le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) puisqu’il semble être devenu une solution trop facile chez les entreprises pour combler leurs besoins de main-d’œuvre. Pourtant, bien des entrepreneurs vont confier que ces démarches sont complexes et que ces travailleurs leur coûtent plus cher que s’ils embauchaient des Québécois.

Alors, sommes-nous condamnés à recourir aux travailleurs étrangers pour combler nos besoins en main-d’œuvre? Il serait utile d’élargir le débat. C’est tout notre rapport au travail qu’il faut questionner, dont l’âge de la retraite. Plusieurs d’entre nous passeront plus de temps à la retraite qu’au travail.

Il serait aussi intéressant d’aller voir quelles mesures ont été mises en place dans des pays comme le Japon ou les pays scandinaves qui font aussi face à un vieillissement important de leur population.

Recourir aux travailleurs étrangers temporaires devrait être une mesure d’exception, et non pas une nouvelle réalité comme elle l’est devenue ces dernières années.