Culture

Souvenirs d’enfance au village Casavant.

Roger Cantin, originaire de Saint-Hyacinthe, se passionne d’écriture et de cinéma depuis son adolescence. Co-scénariste du classique qu’est La Guerre des Tuques, Roger Cantin est l’auteur d’une trentaine de courts métrages ainsi que de plusieurs longs métrages. En publiant des adaptations de ses scénarios, comme Simon-les-nuages, L’Assassin jouait du trombone, La forteresse suspendue et Matusalem, il trouve une extension de son inspiration dans la littérature. Photo : Gracieusté

Si vous avez grandi à Saint-Hyacinthe dans les années 50, vous allez reconnaître le décor et peut-être les personnages du roman de Roger Cantin : Attrape-moi si t’es capable.  Et si vous venez d’ailleurs, vous découvrirez le décor et les personnages colorés du village Casavant. Dans ce roman, l’auteur raconte une journée d’hiver marquante pour le jeune Roger poursuivi par la bande à Marino. Les mésaventures du héros en cette journée très froide ne sont pas sans rappeler La guerre des tuques, film d’hiver culte,coscénarisé par Roger Cantin. Sous forme de récit cette fois, l’auteur nous entraîne au village de son enfance.

La bande des cinq : Marino, Pincourt, Jules, Solis et Ginette Labrie.

Nous sommes en février, à une époque où le froid et la neige n’empêchaient pas les enfants de jouer dehors car, comme dit l’auteur : «y’avait rien à faire en-dedans. » Roger, fier de son fort, de sa grande tour ronde en neige bien durcie, l’arrose chaque soir. Il aime s’y réfugier, question d’avoir la paix. Envieux, Marino et sa bande l’invitent à se battre. Roger réplique : « Écoute-moi bien Marino : attrape-moi avant la noirceur, pis j’suis ton esclave pour la semaine. … Mais si tu m’attrapes pas avant que le soleil se couche, tu me laisses tranquille. Pour toujours! »  Les » cinq pas fins » se lancent à l’assaut de son fort et l’aventure commence. La journée sera longue, froide et pleine d’imprévus.

Fuites et poursuites dans le village Casavant

Autrefois, un quartier de la ville de Saint-Hyacinthe était ainsi nommé, car s’y trouvait l’usine Casavant et frères, qui fabriquait des orgues d’église : « Tous les habitants du village Casavant travaillaient là. Mon grand-père, mon père, mes oncles, les voisins. C’était que des spécialistes de choses qui ne se font pas ailleurs. » C’est dans ce décor que la poursuite commence. Les jeunes se déplacent de la rue Aristide au petit Séminaire, au caveau du cimetière, au dépotoir, au ruisseau Solis, au troisième bois… une course pleine de rebondissements jusqu’à la tombée du jour.

À travers ce parcours, Roger Cantin nous présente « Kawish », le trappeur amérindien; Belzébuth, le chien; Margoth, la vieille fille allemande; Monsieur Laperle et son dépanneur; puis, « le père à Marino. Un Bérêt Blanc. Des fanatiques qui voyaient le péché partout, pour qui la télévision c’était le diable, qui était contre les élites, contre les filles en shorts l’été, les banques, le gouvernement, les libéraux, les féministes, les capitalistes puis les communistes. » Bien sûr, le narrateur, c’est parfois l’adulte qui se souvient, qui témoigne de sa passion pour le cinéma.

La religion omniprésente

Ce qui saute aux yeux, c’est la présence de la religion autour de ces jeunes. Que ce soient les institutions ou les gens. Le Petit Séminaire et ses 800 pensionnaires, les deux cimetières, le Patro, les Sœurs Grises, le Grand Séminaire et les frères collants, le Père Cadieux et la messe… Sans compter les pauvres jeunes qu’on incitait fortement à entrer en religion! « Un bataillon de prêtres plus autoritaires les uns que les autres leur enseignait plein de choses inutiles mais obligatoires pour devenir quelqu’un d’« important », comme le latin du temps de Jules César. »

Heureusement, l’imaginaire et l’humour viennent compenser chez le petit Roger qui rêve et s’émerveille devant les beautés de l’hiver : « Je me suis arrêté pour écouter le froid. Le froid ça s’entend. C’est plein de sons. Ça chuchote de tous côtés. Les branches des arbres cliquètent et le vent respire. La glace sur la rivière craque. Ça fait un bruit étrange qui cours sous les pieds. On penserait qu’un monstre du Loch Ness nage dans la Yamaska. »

Les nostalgiques qui regardent La guerre des tuques à chaque année pendant le congé des fêtes prendront plaisir à découvrir les sources d’inspiration de Roger Cantin. Une belle lecture pour entamer l’hiver!

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Roger Cantin, Attrape-moi si t’es capable. Illustrations de Bruno Ricca. Éditions Somme Toute, 2025, 102 p. (Les littératures)