Chronique

Ah ! ma Yamaska…

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Je me suis déjà baigné dans la Yamaska. C’était à la fin des années ’50. L’été, mes parents louaient un chalet à Douville. À l’époque, il y avait plein de quais flottants sur le bord de la rivière. Des quais pour les chaloupes, bien sûr, mais aussi des quais en forme de piscine pour permettre aux enfants de se baigner en toute sécurité.

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J’avais 5 ans…

À ce moment-là, la Yamaska était une source de plaisir. C’était chouette d’avoir la possibilité de faire trempette si près de chez soi, surtout les journées de canicule comme celles que l’on connaît cet été.

Puis un jour, au cours des années ’60 si je me souviens bien, la rumeur a couru à l’effet que certains enfants avaient eu des problèmes de peau à cause de l’eau. Alors, mes amis et moi, on a arrêté de se baigner. Comme tous les Maskoutains d’ailleurs.

Au fil du temps, on a fini par oublier qu’une rivière traversait la ville de part en part. On savait qu’elle était là, mais il valait mieux l’oublier puisqu’on ne pouvait plus en profiter.

Samedi dernier, empreint de nostalgie, j’ai eu envie de la revoir, ma Yamaska. Paraît-il que depuis plus d’une dizaine d’années, des gens très sérieux se penchent sur son état piteux.

On a formé des organismes (les OBV), on a rédigé de nombreux rapports et l’on a élaboré des plans d’action pour la remettre en santé. Je m’attendais donc à ce qu’elle ait retrouvé des couleurs, ma Yamaska, autres que le brun caca.

Je me suis donc rendu au débarcadère de la rue Girouard, là où l’on peut emprunter un canot, un kayak ou un pédalo pour profiter de notre précieux plan d’eau.

J’avais apporté ma caméra, j’ai pris des photos.

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Photo : PHF.

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Photo : PHF.

J’avais pourtant lu le texte d’Alain Charpentier avant d’y aller : La Yamaska ne se porte guère mieux. Les fameuses algues bleues (qui sont vertes, à vrai dire) venaient me confirmer que rien n’avait vraiment changé, que la rivière était toujours aussi polluée. Un poisson, sur le dos, apportait lui aussi son témoignage éloquent.

De retour à la maison, j’apprends enfin une bonne nouvelle : Des états généraux sur la Yamaska à l’automne, titre la Voix de l’Est. Et en plus, celui qui fait cette annonce, c’est Pierre Arcand, le ministre du Développement durable et de l’Environnement.

Un Maskoutain d’origine, comme moi, qui a dû lui aussi se baigner dans la Yamaska puisque nous sommes à peu près du même âge. Si quelqu’un peut comprendre ma nostalgie, c’est bien lui, je me suis dit.

Je continue à lire l’article et les bras me tombent. Le ministère va verser la mirobolante somme de 20 000$ pour régler le problème. Un petit cadeau parmi tant d’autres que le gouvernement libéral distribue allègrement avant les élections.

Avec cet argent, l’OBV de la Yamaska devra consulter les intervenants, rédiger un rapport et… élaborer un plan d’action. Bref, du déjà-vu.

Sacramant ! La Yamaska est la rivière la plus polluée, mais aussi la plus étudiée du Québec depuis au moins 40 ans. On devrait peut-être commencer à avoir une petite idée de « c’est quoi » la source principale du problème !!!

Avec toutes ces études pointues, on est en train de noyer le poisson (si vous me permettez la métaphore facile). On en vient même à comptabiliser les cacas de canards. Faut le faire…

Admettons donc, une fois pour toutes, que c’est l’agriculture industrielle qui a créé toute cette merde. L’élevage intensif, notamment du porc, qui a amené le déboisement systématique pour créer des champs de maïs à perte de vue, des champs qui servent à se débarrasser du lisier que l’on produit – c’est le cas de le dire -, en quantité industrielle.

Le gouvernement québécois a voulu favoriser l’exportation du porc, on en paie maintenant le prix. Les producteurs sont entrés dans cet engrenage et nous vivons tous, citadins comme ruraux, avec les inconvénients : un désastre environnemental et même un danger pour la santé publique.

Alors, existe-t-il une solution ? Tant que les principaux intéressés ne feront pas leur examen de conscience et que leur puissant lobby syndical continuera à les protéger, la santé de la Yamaska continuera à se dégrader.

Ah ! ma Yamaska… ma pauvre Yamaska.

Extrait du documentaire « Au chevet de la Yamaska » :