Chronique

Entourés de saints

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Le gouvernement du Québec aura beau prendre des initiatives pour séparer la religion de l’État, il reste que notre Histoire est chargée de religiosité, notamment dans la désignation des lieux. En fait, nous sommes littéralement entourés de saints.

Commençons par le cœur de la ville : le marché public. Ce joyau patrimonial est flanqué de ses deux larrons : saint François et saint Simon. Derrière, le bon vieux saint Antoine clôture l’espace,

Devant, la rue Des Cascades suit son cours en toute laïcité. Mais attention : les saints reviennent à la charge par leurs avenues. D’abord saint Denis qui se dresse juste devant. Puis saint Joseph qui n’est pas très loin. Deux femmes se joignent à eux pour veiller sur notre plus ancienne artère commerciale : sainte Anne et sa fille sainte Marie.

En passant, à Saint-Hyacinthe, on est loin de la parité hommes-femmes en matière de sainteté. Sur les 24 rues ou avenues dont le nom est inspiré par l’Église, on retrouve seulement cinq femmes. Outre les deux déjà mentionnées, seulement sainte Catherine, sainte Cécile et sainte Marthe ont eu droit à cet honneur.

De l’autre côté de la rivière Yamaska (un nom païen et, qui plus est, amérindien), la très longue rue Saint-Pierre longe le cours d’eau.

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Et la parité n’est pas plus présente dans la MRC des Maskoutains. À l’ouest, seules sainte Madeleine et sainte Marie-Madeleine côtoient, l’une proche de l’autre, saint Damase, saint Pie, saint Dominique et saint Valérien.

À l’est, sainte Hélène soit se sentir bien seule entourée de saint Liboire, saint Simon (encore lui) et saint Hugues.

En fait, il n’y a qu’une municipalité de la MRC (sur 17) qui ne porte pas le nom d’un saint ou d’une sainte et c’est La Présentation. Mais attention, ne croyez pas q’on s’éloigne pour autant de la religion. Ce nom commémore une fête catholique rappelant « La Présentation de la  Vierge Marie au Temple ». On n’en sort pas…

La plupart sont des saints connus, enfin pour les plus vieux d’entre nous. Mais pour d’autres, avouons qu’il a fallu se forcer le coco. Saint Hyacinthe en est un bon exemple.

À l’origine, un certain Jacques-Hyacinthe-Simon Delorme achète la Seigneurie Maska. Comme le clergé voulait faire plaisir au propriétaire, j’imagine, on a voulu baptiser la bourgade en se servant de l’un de ses trois prénoms.

Mais voilà, Jacques et Simon étaient déjà pas mal populaires en Nouvelle-France. Des Saint-Jacques et des Saint-Simon, il y en avait déjà une flopée. Il restait Hyacinthe. Hyacinthe ?!?

Le plus futé des ecclésiastiques aurait alors déniché un obscur frère dominicain de Cracovie, en Pologne, qui avait comme prénom « Hyacinthe » et qui avait été sanctifié par le pape. Bien sûr, il n’avait rien à voir avec la Nouvelle-France, et encore moins avec la Seigneurie Maska. Peu importe, le nouveau proprio va être content d’avoir son prénom immortalisé.

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La plupart des villages et des municipalités ont été fondés alors que toute la société « canadienne française » était sous le joug de la religion catholique. Ça laisse des traces…

On aura beau enlever le crucifix de l’Assemblée nationale, les noms de lieux demeurent. Comme un rappel indélébile et permanent de notre passé religieux.

Hyacinthe de Cracovie ou saint Hyacinthe (1185-1257) était un frère prêcheur en Pologne. Il a été surnommé « l'Apôtre du Nord ». Source : Wikipédia: