Chronique

Sacré cœur…

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Ainsi donc l'église Sacré-Coeur sera démolie. La Commission scolaire l'a achetée pour en faire une cour d'école. Celle-là, je ne l'avais pas vu venir.

Pour la E. T. Corset, dans le même secteur, on s'en doutait un peu. De l'extérieur, on voyait bien que l'ancienne usine était mal en point. Mais l'église Sacré-Coeur, c'est autre chose. Ses murs en grosses pierres semblent encore solides comme le roc. Immuables.

Une autre icône du patrimoine local qui va disparaître. Ok, on sait que la pratique religieuse n'est plus ce qu'elle était. Les messes du dimanche n'attirent plus personne ou presque. Mais j'imagine que pour les nombreux paroissiens qui, au fil des années, ont vécu des moments marquants de leur vie dans ce lieu, ça doit faire un pincement au cœur. L'hostie doit être dure à avaler.

Ma grande sœur s'est mariée à l'église Sacré-Coeur. Moi, j'ai été enfant de chœur et on m'a congédié parce que je baillais durant la messe. Mais j'y ai surtout vécu, à l'âge de 14 ans, ma première grande peine d'amour.

À chaque dimanche, comme tout le monde, j'allais à la messe. Honnêtement, c'était surtout pour voir Madeleine (prénom fictif).

Je m'assoyais toujours à quelques bancs d'elle, en diagonal, de manière à voir son visage. La lumière du jour qui traversait les vitraux la rendait encore plus belle. Je crois qu'elle ne m'a jamais remarqué. Pourtant, mon stratagème doit avoir duré une bonne année.

Je n'ai jamais osé lui parler. J'aurais dû. Un jour, après la messe, sur le perron de l'église, je l'ai vue prendre la main du grand Lalonde (nom réel), un sportif à la carrure d'athlète. Le soir même, cette fois derrière l'église, coin Bernier et Papineau, ils se sont embrassés. Sur la bouche.

Je crois que c'est là qu'a commencé mon désintéressement pour la messe. Par la suite, j'ai bien sûr assisté à d'autres mariages, à des funérailles et à des baptêmes. Mais le cœur n'y était plus comme à l'époque de ma première flamme. Sacré cœur…

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La seule chose qui me console avec la disparition de cette église, c'est qu'elle fera place à un grand espace de jeu pour les élèves de l'école René-Saint-Pierre, une école spécialisée dédiée exclusivement à une clientèle avec des besoins particuliers. Elle offre des services spécifiques aux élèves qui vivent avec un handicap ou avec une difficulté d'adaptation relative au comportement.

Je connais bien son directeur, Pierre Gosselin, et je sais qu'il est totalement dédié à ses élèves. Si ce nouvel aménagement peut améliorer les conditions de vie de cette école et favoriser sa mission, tant mieux.

La disparition ou la réaffectation des églises catholiques n'est pas un phénomène unique à Saint-Hyacinthe. Partout l'on voit ces anciens lieux de culte transformés en bibliothèques, en salles de spectacle ou en condos. Il fut un temps où les églises poussaient comme des champignons; chaque quartier en voulait une et elles étaient toutes bondées. On répondait à la demande.

En 2016, c'est une nouvelle réalité. Espérons seulement que ces changements seront positifs pour les générations futures.