
Anne-Marie Aubin
Marie-Ève Thuot, née à Saint-Jean-sur-Richelieu, – comme certains de ses personnages – signe un premier roman imposant (plus de 600 pages), lequel s’est mérité ce printemps le Prix des Libraires du Québec et le Prix des rendez-vous du premier roman. La trajectoire des confettis raconte une saga familiale qui se déroule de 1899 à 2027. Parmi les thèmes chers à l’auteure il est question de la famille québécoise, de la sexualité, des femmes et de la maternité, de l’histoire et l’avenir de notre société. Une intrigue bien ficelée, une lecture captivante et riche en informations.
Le mystérieux Xavier
Plusieurs personnages s’expriment à tour de rôle, par fragments. Nous valsons dans le temps et dans l’espace. À la lecture, le casse-tête se construit; le lecteur constate que rien n’est laissé au hasard, que tout est lié.
Place aux femmes
Malgré le fait que les personnages principaux soient des hommes, il est beaucoup question des femmes dans le texte. D’abord, de celles qui vivent autour d’eux puis, de façon plus large, de ces générations de femmes qui sont passées de la procréation à la liberté sexuelle, parfois sacrifiées à la naissance d’un bébé au cerveau trop gros. Tout cela bien sûr avant la contraception, l’avortement, la ligature des trompes… Il est aussi question des femmes de demain, comme Rosalie qui déclare à 6 ans ne jamais vouloir d’enfant et qui à 18 ans quitte le pays pour se faire ligaturer les trompes. Elle adhère à la philosophie extinctionniste et lutte avec ses amies pour sauver la planète, pour libérer la sexualité. Puis Raphaëlle qui nous fait penser à l’auteure : «Je pourrais écrire un roman. Quelque chose de plus substantiel… Peut-être une saga familiale sur quatre-cinq générations…»
Marie-Ève Thuot cite plusieurs écrivains, penseurs et philosophes tels Freud, Schopenhauer, Rostand, Huston… des propos des plus misogynes aux plus féministes.
« Rousseau l’a dit : « Les femmes en général n’aiment aucun art, ne se connaissent à aucun et n’ont aucun génie. » Dans le monde entier, ce sexe n’a pu produire un seul esprit véritablement grand, ni une œuvre complète et originale dans les beauxarts, ni en quoi que ce soit un seul ouvrage d’une valeur durable. Arthur Schopenhauer »
Un portrait social et historique
Sans jamais glisser dans le roman à thèse ou le jugement, l’auteure inscrit des personnages réels et divers événements historiques dans le déroulement : l’échec du référendum, la revanche des berceaux, le passage au nouveau millénaire… Comme quoi la trajectoire d’un couple, tout comme celle d’un peuple, est faite de croisements, de rencontres : «Mais le hasard fait peur, il nous dénie le contrôle. Il affaiblit notre impression de nécessité, de cohérence, de destin.»
Le roman peut parfois paraître un peu longuet, il y a quelques répétitions de faits ou d’événements racontés par plus d’un personnage comme pour ajouter à la véracité. Mais Marie-Ève Thuot réussit habilement ce projet ambitieux, elle maîtrise l’intrigue de cette saga avec une efficacité, un certain humour et un style très personnel.
Marie-Ève Thuot, La trajectoire des confettis. Les Herbes rouges, Montréal, 2019, 624 pages.
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