Culture

Face au diable de la Côte-Nord : une série documentaire qui a changé la vie de Magalie Lapointe

La journaliste d'origine maskoutaine, Magalie Lapointe, a tissé de nombreux liens d'amitié avec les membres de la collectivité d'Unamen Shipu. Photo : Gracieuseté

Ancienne journaliste émérite au Journal de Montréal, la Maskoutaine Magalie Lapointe a fait vibrer le Québec durant son passage dans le média national bien connu. Après avoir rédigé de nombreux papiers sur des sujets d’actualité, celle-ci a fait la une des médias en mars 2018 après avoir raconté l’histoire du père Alexis Joveneau, un membre des oblats qui aurait abusé de son influence de clergé dans la collectivité pour imposer des sévices sexuels à des enfants et à des femmes.

L’histoire avait fait la manchette des médias à l’échelle du pays. Magalie Lapointe avait eu la chance de rencontrer les membres de la communauté innue d’Unamen Shipu en Basse-Côte-Nord. En plus d’une dizaine de victimes présumées, le père oblat Alexis Joveneau aurait même agressé sexuellement sa propre nièce. Pendant 39 ans, il a terrorisé les membres de cette communauté.

La journaliste d'origine maskoutaine, Magalie Lapointe, a tissé de nombreux liens d'amitié avec les membres de la collectivité d'Unamen Shipu. Photo : Gracieuseté

Après la publication de son livre co-écrit avec David Prince, un ancien cadre du Journal de Montréal, Magalie Lapointe a été approchée pour réaliser une série documentaire. Elle a tout de suite accepté l’offre pour les victimes.

« C’était une occasion de donner une voix aux victimes. De mettre des images sur les atrocités qu’elles ont vécues durant 39 ans. Dans le livre, j’avais un devoir de réserve comme journaliste. Dans le documentaire, on me voit comme la femme que je suis. C’était difficile pour moi, je n’avais aucune barrière qui me protégeait de mes émotions dans le tournage », d’expliquer Magalie Lapointe.

Une série tournée en Basse-Côte-Nord

Le récit de la série documentaire Face au diable de la Côte-Nord a été lancé sur la plateforme payante de Vrai il y a quelques semaines déjà. Les cinq épisodes ont été tournés en très grande partie dans la région d’Unamen Shipu en Basse-Côte-Nord. Pour Magalie Lapointe, ce n’était pas négociable.

« Je voulais qu’on puisse ressentir et voir les victimes témoignées de leur expérience. Ce n’était pas un documentaire sur moi, mais bien sur elles. Je tenais à ce que ce soit tourné là-bas. Il est rare de voir un documentaire tourné à 95 % dans une communauté innue et je suis vraiment fière du résultat », a renchéri celle qui a tissé des liens d’amitié avec la collectivité d’Unamen Shipu.

Si la série est actuellement réservée à l’auditoire de la plateforme payante de Québecor Media, Magalie Lapointe a bon espoir que le diffuseur privé TVA diffuse le contenu gratuitement sur ses ondes dans un an environ. Selon elle, la série documentaire mérite d’être vue par le grand public afin de l’informer de cette réalité vécue dans la communauté innue d’Unamen Shipu.

« La série documentaire est un outil qui doit servir à sensibiliser et faire de l’éducation populaire sur la réalité vécue par les Innus d’Unamen Shipu durant le règne d’Alexis Joveneau », a ajouté l’autrice du livre Le diable de la Côte-Nord.

Des dizaines de témoignages poignants

La série documentaire produite par Pixcom a eu l’effet escompté dans la communauté innue. Des dizaines de membres de la communauté ont joint Magalie Lapointe dans les jours qui ont suivi la diffusion.

« Le retour des victimes a été vraiment positif sur la série documentaire. Elles ont vraiment le sentiment d’avoir été entendues, vues et crues », a-t-elle plaidé lors d’un entretien téléphonique avec le représentant du Journal Mobiles.

La mission d’une vie

Lors de la Commission sur les femmes disparues et assassinées du gouvernement fédéral, le nom d’Alexis Joveneau avait été évoqué. C’est à partir de ce moment-là que la journaliste maskoutaine avait décidé de se lancer dans une enquête journalistique d’envergure.

Outrée par les agressions racontées, elle voulait faire la lumière sur ces sévices qui avaient perduré pendant près de 40 ans. C’était en fin 2017. Après plusieurs voyages avec son conjoint en Basse-Côte-Nord pour recueillir des témoignages et enquêter sur les fondements de cette histoire, les premiers reportages sont publiés dans le Journal de Montréal en mars 2018. La série de reportages sème l’émoi aux quatre coins du Québec.

Ces cinq dernières années ont façonné la vie de Magalie Lapointe. Ça n’a pas été facile ni de tout repos pour la mère de trois filles.

« Pour la première fois, on me permettait d’être moi-même. Ça a eu deux effets. C’était difficile pour moi, je n’avais pas cette barrière qui me protège de mes émotions. Cette fois-ci, c’était comme si j’étais nue, donc vulnérable. Ça a été un travail personnel. Les victimes m’ont vu être découragée, choquée. Elles m’ont vu comme la personne que je suis », a mentionné Magalie Lapointe.

Elle a ensuite quitté le milieu du journalisme en 2021 pour se joindre au bureau de la députée provinciale de Saint-Hyacinthe, Chantal Soucy. Comme attachée de presse d’une élue au sein du gouvernement du Québec, elle a eu la chance de côtoyer les membres du cabinet ministériel du ministre Ian Lafrenière. À la suite de la réélection de la Coalition Avenir Québec, celle-ci s’est vu offrir un poste d’attachée politique dans l’équipe du ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit.

« Peu importe ce que je vais faire dans les prochaines années, je vais travailler avec les Premières Nations et les communautés autochtones. Je veux donner une voix aux Premières Nations et aux Inuit. Je suis une fille de cœur et de passion. On a eu de belles discussions avec le ministre et je sais qu’il est accepté dans les communautés. Je sais que nous pouvons travailler de nation à nation », a renchéri Magalie Lapointe.

L’influence sur les générations futures

L’implication de Magalie Lapointe envers les communautés autochtones a été un catalyseur pour sa famille. Sa fille aînée, Éliane Chagnon, a profité de son projet personnel au Programme d’éducation internationale (PEI) en 5e secondaire pour monter un projet de journée culturelle à la Maison amérindienne du Mont-Saint-Hilaire dédiée aux élèves de 2e secondaire de son école. Durant cette journée, les élèves ont goûté au vrai sirop d’érable qui vient des Premières Nations en plus de construire un capteur de rêves. Ils ont appris l’histoire.

Une autre de ses filles, Gloria, a organisé une collecte de vêtements et de produits pharmaceutiques pour la communauté atikamekw de Manawan. L’élève de l’école primaire Bois-Joli-Sacré-Cœur de Saint-Hyacinthe, assistée de membres de sa famille et du personnel enseignant, a recueilli suffisamment de matériel pour remplir un gros camion.

Pour la mère de trois enfants, l’implication et le dévouement de ses filles pour aider les membres issus des Premières Nations et les Innus, c’est sa plus grande fierté.