Paul-Henri Frenière
Grandiose Némésis !
Nul n’est prophète en son pays : ce proverbe ne pourrait mieux s’appliquer qu’à Dominique Gaucher qui expose pour la première fois à EXPRESSION, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe. L’artiste – maskoutain d’origine – prête son talent d’illustrateur à de grandes productions américaines depuis plusieurs années. Avec Hybris et Némésis, Dominique Gaucher revient au bercail avec une proposition artistique carrément époustouflante ! Grandiose !
(collaboration spéciale : Christian Roger, photographe)
- Dominique Gaucher devant « Delta » : une immense toile qui recouvre tout un mur de la salle d’exposition d’EXPRESSION..
- Photo : Christian Roger.
Les plus grands tableaux jamais exposés dans l’histoire de Saint-Hyacinthe. Sa toile la plus imposante, Delta , fait 35 pieds par 15 et recouvre pratiquement tout un mur de la grande salle d’exposition.
Mais il n’y a pas que la dimension qui soit spectaculaire. L’œuvre nous aspire dans un univers quasi apocalyptique où la nature se déploie avec toute sa puissance destructrice.
C’est le volet Némésis de cette exposition bipartite, Némésis étant cette déesse grecque qui symbolisait la vengeance, le châtiment que les dieux infligent aux humains qui pèchent par orgueil ou par irrespect des lois de la nature. Le volet Hybris est présenté simultanément dans une autre salle, à Longueuil, nous y reviendrons.
Crime et châtiment
« C’est l’arrogance de l’Homme qui créera sa perte » prophétise Dominique Gaucher. En cela, il fait référence aux changements climatiques qui affectent la planète. « Ces bouleversements sont causés par les activités humaines, quoiqu’en dise notre gouvernement fédéral… ».
Dominique Gaucher ne se considère pas comme un artiste « engagé », mais il est néanmoins informé, et politisé… Il prend ses informations à la radio, dans les journaux, sur internet, mais pas à la télé. « Je n’ai pas de télé. Elle a brisé et je ne l’ai pas remplacée. » confie-t-il.
Scorcese, Robert Lepage et le Cirque du Soleil
S’il avait eu une télé, il aurait probablement vu de ses images qu’il a composées pour le film La nuit au musée, cette production américaine diffusée récemment sur nos ondes. Il y a travaillé, comme sur plusieurs autres films dont Aviator de Martin Scorcese, mettant en vedette Leonardo DiCaprio, et Le jour d’après, ce film qui dénonce l’action de l’homme sur les changements climatiques.
Car Dominique Gaucher joue dans les ligues majeures. Son portfolio pèse lourd, très lourd. On lui demande des décors pour le cinéma, mais aussi pour la scène.
Des exemples ? On lui a demandé des scénographies pour l’Opéra de Montréal, pour une mise en scène de Robert Lepage, de LA LA LA Human Step, en plus de travailler pour les productions Zarkana et Iris du Cirque du Soleil.
C’est la faute d’Hybris
- Dominique Gaucher.
- Photo : Christian Roger.
Pour accomplir de telles réalisations, Dominique Gaucher embauche une dizaine de personnes qui s’activent dans son immense atelier situé à Montréal. À la manière des grands maîtres de jadis, sa création est si florissante, si abondante qu’elle ne peut être réalisée par un seul homme.
Mais revenons à l’exposition en cours. Hybris et Némésis est un projet si ambitieux, si vaste qu’il ne pouvait se tenir en un seul lieu. La première partie, Hybris, est présentée simultanément à Plein Sud, centre d’exposition en art actuel à Longueuil.
C’est là que l’artiste expose les motifs pour lesquels la vengeance de Némésis se déploie si férocement dans l’espace maskoutain. La dimension des œuvres est moins imposante, dit-on, mais elles doivent néanmoins traduire le génie de leur auteur.
Ai-je dit génie ? Le mot m’a échappé…
Ai-je dit génie ? Le mot m’a échappé. Mais non sans raison.
J’avoue avoir été fortement impressionné par l’œuvre de Dominique Gaucher, sa maîtrise de la technique, sa démarche, son propos.
L’homme est accessible, généreux de son temps, mais presque discret : tout le contraire de ces artistes qui palabrent à ne plus finir sur la symbolique de leur œuvre à grands coups d’ego.
Non, lui, c’est par son travail qu’il est éloquent. Prenons sa toile Delta par exemple, la gigantesque.
Il faut d’abord se positionner à bonne distance du tableau pour en apprécier la composition au caractère organique. À première vue, on croirait que l’œil de Google Earth s’est fixé sur un coin de la planète de façon aléatoire.
- L’immense toile « Delta », quelques instants après sa périlleuse installation.
- Photo : Expression.
Mais plus on se rapproche, plus on se rend compte du drame qui se joue sous nos yeux : inondations, explosions, incendies, navires qui s’entrechoquent ou qui échouent. C’est Némésis en action.
- Delta (détail).
- Photo : Christian Roger.
- Delta (détail).
- Photo : Christian Roger.
- Delta (détail).
- Photo : Christian Roger.
Dominique Gaucher se sert de toutes les techniques d’illustration qu’il a apprises au fil des années afin de remplir des « commandes » bien précises pour la scène ou le cinéma.
Mais pour Hybris et Némésis, il a fait fi de toutes contraintes et a laissé libre cours à sa création. Il s’est « laché lousse » comme on dit, laissant même son chat d’atelier, Ti-Pou, participer à ses élans créatifs.
C’est la nouvelle tangente qu’il a prise avec cette exposition : « Une première » avoue celui qui consacre environ le quart de son temps de production à l’art contemporain.
La genèse maskoutaine d’une carrière internationale
Dominique Gaucher n’a pas 50 ans : c’est relativement jeune pour avoir un curriculum vitae aussi chargé.
- L’artiste peintre André Robert.
Il se souvient de ses premiers contacts avec l’art, notamment lorsqu’il était étudiant au Séminaire de Saint-Hyacinthe. Il déclare sans hésiter que c’est André Robert qui a été son meilleur professeur d’art à vie. Il a obtenu par la suite une maîtrise en beaux-arts de l’Université du Québec à Montréal.
Ses premières réalisations scénographiques, il les a faites au séminaire pour des pièces montées par monsieur Ositiguy dans le cadre d’activités parascolaires. Par la suite, c’est à l’Option théâtre du cégep de Saint-Hyacinthe qu’il a exercé ses talents précoces.
Mais comme il arrive souvent aux talents d’exception (remarquez que je n’ai pas dit « génie », mais l’ai failli…), l’entreprise privée a vite requis ses services…
Et l’avenir ? Gageons que Ti-Pou aura encore l’occasion de se lâcher lousse…
- Dans l’atelier de Dominique Gaucher, le chat « Ti-Pou » participe à la création…
- Dominique Gaucher, en pleine action, dans son atelier à Montréal.
Créer une toile en atelier c’est une chose, mais l’installer dans un musée…
Accrocher une toile de 15 par 35 pieds n’est pas une sinécure…
- Lors du vernissage à EXPRESSION, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe.
Hybris et Némésis
du 21 janvier au 5 mars 2012
Vernissage Double le samedi 21 janvier
12 h à 14 h à PLEIN SUD / Longueuil
15 h à 17 h à EXPRESSION / Saint-Hyacinthe
VISITE COMMENTÉE le samedi 21 janvier
16 h à EXPRESSION / Saint-Hyacinthe
EXPRESSION, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe495, avenue Saint-SimonSaint-Hyacinthe (Québec)Téléphone : 450.773.4209Heures d’ouverture :Lundi FerméMardi au vendredi 10 h – 17 hSamedi et dimanche 13 h – 17 h
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