Culture
Exposition Être humain, est-ce un mal(e) absolu?

Il y a un noir au Centre Expression

Pour Stanley Février, l’art doit être un instrument de changement social. Photo : Paul-Henri Frenière

« Il y a un noir au musée » est l’avertissement qui accueille les visiteurs à la nouvelle exposition du Centre Expression. Un néon bien visible que l’artiste Stanley Février a spécialement réalisé pour son passage à Saint-Hyacinthe. De l’ironie, bien sûr, mais surtout une introduction aux œuvres de l’artiste d’origine haïtienne dont le thème est Être humain, est-ce un mal(e) absolu?

Par ses installations, ses sculptures, ses photos et ses vidéos, Stanley Février poursuit sa démarche socialement engagée. Les sujets qui le préoccupent sont les injustices, la souffrance humaine et les discriminations, individuelles ou même institutionnelles.

Pour Stanley Février, l’art doit être un instrument de changement social. Photo : Paul-Henri Frenière

Pour lui, l’art doit être un instrument de changement social – et de survie personnelle, dans son cas. « C’est sûr que si je n’avais pas eu l’art dans ma vie, je me serais suicidé. Ça, c’est sûr », lance-t-il le plus sérieusement du monde.

De travailleur social à artiste engagé

Dès son enfance, il a été profondément marqué par les injustices. Avant de faire des études avancées en arts visuels, le jeune Stanley avait d’ailleurs œuvré comme travailleur social. En 2009, il a décidé de se consacrer entièrement à son art, mais en conservant ses préoccupations pour l’humain. Il garde sa sensibilité́ à certains enjeux sociaux, comme la santé mentale, la brutalité́ policière, les fusillades et les violences faites aux femmes.

Par ses installations, ses sculptures, ses photos et ses vidéos, Stanley Février poursuit sa démarche socialement engagée. Les sujets qui le préoccupent sont les injustices, la souffrance humaine et les discriminations, individuelles ou même institutionnelles. Photo : Courtoisie

Les débuts de sa carrière d’artiste professionnel ont été plutôt difficiles. Il attribue cela à une certaine indifférence de la part des institutions muséales – qu’elles affichent envers tout artiste issu de la diversité, selon lui. Mais Stanley Février n’est pas du genre à se laisser abattre. Il a beaucoup travaillé et son talent, sa détermination et sa persévérance lui ont finalement rapporté. Actuellement, il mène de front pas moins de cinq expositions, en solo ou en groupe. En plus du Centre Expression, on le retrouve au Musée d’art contemporain des Laurentides, au Musée national des beaux-arts du Québec ainsi qu’à Terre-Neuve et au Mexique.

Une visite dans les zoos humains

« Je ne suis pas un rebelle, mais je suis un être toujours en action dans cette jungle qu’est la société », affirme-t-il, lors de la visite commentée de l’exposition. Et il aimerait que le plus grand nombre de personnes partagent son indignation. Stanley Février désire entrer en contact avec le public sous la forme d’une participation quelconque : une réflexion, une action, une conversation.

© Stanley Février, vue partielle de l’exposition Être humain, est-ce un mal(e) absolu ? EXPRESSION, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe, Saint-Hyacinthe, 2022. Crédit photo : Paul Litherland

Ainsi, vers la fin du parcours, il présente une installation intitulée Ne pas nourrir les indigènes, ils sont nourris. Il s’agit d’une sorte de grande « cage à poules » à l’intérieur de laquelle se trouvent 14 miroirs. Sur chacun d’eux sont gravés des mots qui portent à la réflexion.

©  Stanley Février, vue partielle de l’installation Self Garden, 2022. Exposition : Être humain, est-ce un mal(e) absolu ? EXPRESSION, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe, Saint-Hyacinthe, 2022. Crédit photo : Paul Litherland

Je m’arrête devant un miroir où il est écrit « jardin d’acclimatation ». Je demande à l’auteur la signification. Il m’explique qu’à la fin du 19siècle, un zoo de France – Le Jardin d’acclimatation – a un jour manqué d’animaux exotiques. Pour les remplacer, on a importé des humains issus de différents peuples non occidentaux, principalement des Noirs.

©  Stanley Février, vue partielle de l’exposition Être humain, est-ce un mal(e) absolu ? série Il fallait attendre encore, 2014, EXPRESSION, Centre d’exposition de Saint-Hyacinthe, Saint-Hyacinthe, 2022. Crédit photo : Paul Litherland

L’entreprise fut un grand succès populaire et ces « zoos humains » ont été reproduits dans des métropoles d’Europe et d’Amérique. Dans la pièce arrière de la salle d’exposition, une vidéo tourne en boucle un documentaire qui relate cet horrible épisode de l’histoire de l’humanité.

On peut visiter l’exposition Être humain, est-ce un mal(e) absolu? de Stanley Février jusqu’au 24 avril 2022.