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Les Demoiselles de Havre-Aubert, pour bien terminer l’été !

Jean Lemieux, né à Iberville, a publié plusieurs romans, dont quelques policiers mettant en vedette André Surprenant, sergent-détective à l’escouade des crimes majeurs du SPVM (Service de Police de la Ville de Montréal). C’est avec plaisir que nous retrouvons ce policier taciturne, humain et attachant, qui a d’abord travaillé aux Îles-de-la-Madeleine avant d’être transféré à Beauport, puis à Montréal, dans le sixième titre de cette série. Cette fois-ci, Lemieux renoue avec les Îles-de-la-Madeleine où le sergent Surprenant se prépare à partir pour y passer ses vacances en famille.

Voyage compromis ?

Dans la soirée précédant son départ, un meurtre est commis dans un pawnshop de Verdun. Comme par hasard, la victime, Jeannot Boudreau, est un Madelinot qui a de la famille à Havre-Aubert, en plein là où notre enquêteur a loué une maison de vacances. On lui demande de profiter de son séjour sur les lieux pour enquêter.

Surprenant arrive à Havre-Aubert au début du festival acadien. Il y a foule autour des Demoiselles, ces deux buttes de sable arrondies, visibles de la mer, qui servaient sans doute de repère aux marins.

Dans la nuit suivant le feu d’artifice, on découvre, sur une plage de galets, le corps inerte de Claude Goyette, un homme très riche ayant construit une trop grosse maison sur l’une des Demoiselles… Bref, un indésirable, mais qui, comble de malchance, est le petit-cousin de Surprenant.

L’enquête se corse

Surprenant doit composer avec l’équipe du continent qui débarque en essayant d’imposer sa domination… Ce ne sera pas facile, mais Barsalou, son collègue des Îles, fera équipe avec lui, oubliant les anciennes rivalités. Tous les témoins et curieux ont leur petite opinion sur ce meurtre : « – Qu’est-ce que vous pensez de la mort de Goyette ? – Certains individus ressemblent à des pots de yogourt. Ils ont une date étampée sur le front. »

Afin de laisser la voiture à sa famille, Surprenant emprunte la Cadillac Eldorado 1974 d’un ami, Platon Longuépée, et se promène en tenue de plage parmi les nombreux touristes. Bien connu aux Îles pour y avoir travaillé quelques années, Surprenant ne passe pas inaperçu.

Un roman social

Sans se complaire dans le magnifique décor maritime, le roman aborde des questions plus délicates, comme les problèmes de famille, de criminalité, de classes sociales. En fait foi cette description du commerce de Jeannot Boudreau, à Verdun : « S’il était bien tenu, le commerce demeurait néanmoins un concentré de misère humaine. Pour la grande majorité, des objets accrochés au mur ou exposés sur des tablettes témoignaient d’un manque, d’argent, d’amour, de chance, de travail, d’une substance chimique, de l’alcool à l’héroïne en passant par la marijuana et les analgésiques. Ces comptoirs n’existaient pas dans les banlieues et les quartiers aisés. Comme des ganglions gonflés par l’infection, ils drainaient le malheur des désargentés. »

L’auteur médecin

Médecin aux Îles pendant plusieurs années, Jean Lemieux connaît les Madelinots, dont il reproduit bien la parlure : « Il avait beau avoir dans les 60 ans, pas plus tard que l’été précédent, il avait défait le visage d’un jeune gaillard de Havre-Aux-Maisons qui s’était un peu trop intéressé à la Mercedes. Pensez ! Le gars avait dû aller se faire remettre les pommettes à l’équerre à Québec ! »

Un plaisir de lecture

Ce polar a tout pour séduire : l’intrigue est bien menée, les personnages nombreux et colorés font parfois sourire. Parmi eux, on retrouve Guillaume et Aude, héros du roman Le Trésor de Brion, belle surprise. Comme toujours chez Lemieux, l’écriture est soignée et les descriptions de paysages nous transportent sur les lieux. Avis aux amateurs de la série : il semble que Surprenant nous reviendra sous peu, désireux de se délester d’un trop lourd secret… à suivre !

À défaut d’aller aux Îles cet été, je vous invite à lire cet excellent roman !

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LEMIEUX, Jean. Les demoiselles de Havre-Aubert, Montréal, Éditions Québec Amérique, 2020, 272 pages.