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Nos morts : Valérie Carreau tisse le fil de la vie

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Valérie Carreau, auteure de Saint-Bruno-de-Montarville, vient de publier un récit très personnel sur le deuil. Suite à la perte de sa fille Laurence, décédée quelques jours après sa naissance, l’auteure a senti le besoin de revisiter ce drame pour que Laurence reste toujours vivante. Dans un texte intime, émouvant, elle aborde deux autres deuils par le témoignage de deux autres femmes venues enrichir cette réflexion sur les morts qui nous habitent et ce qui subsiste après la mort.

Valérie et Laurence

Valérie, âgée de 26 ans, enceinte pour la première fois, court et monte à vélo tout au long de sa grossesse pour garder la forme. Trois semaines avant la date prévue, des problèmes surviennent, il faut « sortir le bébé au plus vite ».

Laurence est née au matin du 15 septembre 2006 et ses parents, Laurent et Valérie, étaient au comble du bonheur, attendant leur congé pour rentrer à la maison. « Pendant quatre jours, même si ce n’est qu’à l’hôpital, Laurence a existé d’une manière libre, en dehors de mon ventre et loin des supports médicaux […]. Elle a pris un bain à la pouponnière, elle a bu du lait à mes seins. Elle a vécu. » Mais soudainement, les choses se sont compliquées. Le 18 septembre, le bébé a été transféré pour une opération au cœur à l’hôpital Sainte-Justine.

Le couple a affronté chaque journée avec courage, entouré des proches qui l’ont supporté. Remplie d’espoir, la mère tirait son lait aux quatre heures. « Il fallait que je fasse des provisions de lait pour Laurence qui aurait soif. Qui boirait beaucoup. »

Le 7 octobre, alors que plus rien n’était possible pour Laurence, les parents résignés ont laissé partir leur bébé. « […] je la soulève. Elle me paraît lourde, raide. J’approche ma bouche de son oreille. Je ne sais plus ce que je lui dis. Je lui dis : “Je t’aime.” Laurent pose la main sur son front, caresse l’arcade de son sourcil. Délicatement, il lui retire son tube à oxygène. » Heureusement, le couple était entouré des amis et de la famille pour ne pas crouler de chagrin.

Des années plus tard, grâce à ses journaux intimes et à quelques photographies, l’auteure a cherché à se souvenir et à raconter, au passé et au présent, les détails entourant ce séjour au chevet de Laurence.

Karine et Chantal

Dans sa démarche de création, Valérie a rencontré Karine, une amie dont la maman est morte trop jeune d’un cancer. Infirmière au département d’oncologie de l’hôpital Charles-Lemoyne, Karine a remarqué que les femmes acceptent plus difficilement de mourir que les hommes.

Chantal, une patiente de Karine, était atteinte d’un cancer du sein avec métastases aux os. Ses jours étaient comptés. Valérie a fait sa connaissance à l’hôpital quelques jours avant sa mort.

Valérie Carreau signe un texte essentiellement féminin, empreint d’une grande tendresse et axé sur la vie. Elle confie : « Le livre provient de ce sentiment-là : un désir féroce de rester accrochée à la vie, d’y retenir Laurence, mais aussi ma grand-mère, ma mère et, par le fait même, moi. J’ai peut-être cherché, chez d’autres, ce même désir violent de rester en vie. C’est peut-être ce qui m’a menée seulement à m’entretenir avec des femmes ».

La lecture nous incite à revisiter nos morts, à les immortaliser, un exercice qui procure une grande paix, avoue l’auteure. « L’écriture de ce livre m’a procuré un grand bonheur, un sentiment de paix difficile à expliquer. J’ai trouvé précieux ces moments où je me retrouvais seule avec Laurence. Le temps, bien sûr, m’a fourni la distance nécessaire qu’il me fallait pour aborder cette épreuve, mais le temps a aussi fait naître en moi l’urgence de poser ma fille sur le papier avant de l’oublier. Écrire calmait ce sentiment d’urgence. »

 

L'autrice, Valérie Carreau