Anne-Marie Aubin
Raconter pour informer
En littérature jeunesse, il existe des textes qui sont à la fois fictifs et informatifs. Sous la forme de récits, de contes ou de bandes dessinées, les écrits des auteurs réussissent ainsi à captiver les lecteurs. Voici deux superbes albums illustrés inspirés de faits vécus.
La ville aux dos d’éléphants
Christine Nadeau, auteure jeunesse de la Montérégie, s’est mérité le prix Hubert-Reeves, qui récompense les œuvres de vulgarisation en langue française, pour son album La ville aux dos d’éléphants, qui fut également finaliste au Prix Espiègle 2020. L’auteure y raconte l’exploitation de la mine d’amiante de sa ville natale, Thedford Mines.
Tout débute alors qu’un cultivateur trouve, sur sa terre, une roche aux fibres blanches. Cette découverte de l’amiante, pierre qui résiste au feu, attire de nombreux investisseurs étrangers. Dès lors, la vie paisible des habitants est transformée… Assoiffés, les patrons sont prêts à tout pour gruger cet or blanc : « De nouvelles machines poussèrent les mineurs à travailler encore plus vite… Au fond de ces trous, les mineurs, semblables à des fourmis, levaient les yeux, inquiets qu’un câble se rompe ou que des pierres s’échappent des caisses en mouvement. »
Dans ce milieu de travail malsain, peu à peu, la mort s’installe, se faufile dans les poumons des ouvriers. L’amiantose fera plus de 1000 victimes entre 2005 et 2015. Christine Nadeau signe un texte émouvant sur cette ville minière au triste destin.
Pour ce titre, Camille Pomerlo a reçu le Prix Illustration jeunesse 2020, catégorie Relève, lors du 32e Salon du livre de Trois-Rivières. Au fil des pages, elle nous fait découvrir les métamorphoses de la ville dans des tons de gris, de noir et quelques touches de vert. On reconnaît bien ses personnages au nez triangulaire, tels des pantins, qui apportent un peu de légèreté à ce récit dramatique. Ses plans et prises de vue offrent au lecteur différentes perspectives. Des informations intéressantes en annexe nous permettent d’en apprendre davantage sur le sujet.
Capitaine Rosalie
Nous sommes en 1917. Rosalie, âgée de cinq ans, observe, écoute et dessine dans son cahier, assise au fond de la classe des grands. Sa maman travaille à l’usine et son papa est à la guerre.
À la fin de la journée, sa mère la rejoint et elles rentrent ensemble à la maison. Parfois, les lettres de son papa agrémentent leur soirée : « Quand je reviendrai, j’emmènerai Rosalie à la pêche. J’ai pensé au ruisseau après le moulin. J’avais vu des truites avant la guerre. Rosalie apprendra à nager. As-tu la recette des truites aux noix ? Peux-tu être sûre qu’il restera des noix, si je reviens au printemps ? »
Un soir, sa mère refuse de lui lire la lettre reçue dans une enveloppe bleue. Rosalie n’en sera que plus intriguée. Persévérante, elle fera tout pour dénouer ce mystère… que le lecteur a deviné.
Timothée de Fombelle aborde le thème de la guerre à travers l’imaginaire, les mots et l’intelligence d’une fillette que la guerre fera grandir trop vite. Isabelle Arsenault, illustratrice québécoise, rend à merveille les scènes dramatiques dans les tons de gris avec une touche de roux qui rappellent Jane, le renard et moi. La petite Rosalie dégage beaucoup de douceur et de tendresse dans ce décor gris et froid. Finaliste au prix des libraires, catégorie jeunesse, cet album est superbe !
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NADEAU, Christine. La ville aux dos d’éléphants, illustrations de Camille Pomerlo, Montréal, Éditions de l’Isatis, 2019, 56 pages, collection Griff, 5.
DE FOMBELLE, Thimothée. Capitaine Rosalie, illustrations d’Isabelle Arsenault, Paris, Éditions Gallimard jeunesse, 2018, 64 pages.
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