Félix Tremblay
Ces richesses qui s’envolent
Les plaines du Saint-Laurent comptent parmi nos joyaux les plus précieux : elles sont fertiles et cultivables. Au Québec, ces terres représentent moins de 2% de toute la superficie du territoire. Elles constituent donc une denrée rare en ce pays de froidure aux hivers interminables. Quand ces terres servent à cultiver des aliments qui finissent à la poubelle, il y a lieu de se demander si nous comprenons bien toute leur valeur et sommes conscients de l’impact écologique de nos comportements.
L’alimentation humaine repose sur l’exploitation agricole, laquelle génère environ le dixième des gaz à effet de serre (GES) de la province. On estime cependant que les Québécois mettent 1,2 million de tonnes d’aliments à la poubelle chaque année, ce qui représente 3,6 millions de tonnes de GES produits pour absolument rien. Ainsi, la production de 4% des GES du Québec serait évitée s’il n’y avait aucun gaspillage. Que des aliments jetés aient été produits à l’étranger et pas uniquement ici est littéralement sans importance : les terres agricoles sont rares partout et on les utilise mal quand on jette de la nourriture.
Si on consulte les données de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), on y apprend que, bon an mal an, on retranche et on ajoute des espaces à la superficie des zones agricoles protégées. D’un point de vue strictement arithmétique, cette superficie aurait crû de 4 364 hectares depuis 1992, mais c’est une donnée malheureusement trompeuse. En réalité, beaucoup de ces terres en zones protégées sont en friche ou incultivables, tandis que l’étalement urbain se produit toujours là où le climat est le plus clément, justement là où se trouvent les meilleures terres. Produire les aliments sur les terres restantes est nécessairement moins efficace et demande plus de ressources.
Que ce soit par la culture de végétaux mangés directement par la population ou encore, servant à nourrir les animaux d’élevage, nous dépendons de l’agriculture. L’espace sur terre n’est pas infini et pourtant, on fait comme s’il l’était. Ajoutons au passage qu’il est vrai d’affirmer que les régimes à base de végétaux sont meilleurs pour l’environnement que ceux comprenant de la viande. Une des raisons l’expliquant est qu’il faut environ dix fois plus de superficie pour cultiver des végétaux servant à l’élevage des animaux qu’il en faudrait si on se nourrissait directement de ces mêmes végétaux. On pourrait donc facilement réduire les émissions de GES en mangeant moins de viande, mais changer d’habitudes alimentaires est loin d’être une chose facile. Le plus simple pour le consommateur demeure de garder plus de sous dans ses poches en gaspillant moins, diminuant ainsi les GES produits inutilement.
Autre coutume quasi-impossible à changer : chaque année, des agriculteurs laborieux cultivent, en prévision de l’Halloween, des milliers de citrouilles. Une fois la fête terminée, ces gros fruits orangés finissent malheureusement à la poubelle. Et si ce n’était là que la face visible d’un phénomène autrement plus monstrueux : celui du gaspillage alimentaire? Sortons donc nos recettes de citrouille.
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