Politique

Francisation : des coupures difficiles à comprendre

Plusieurs membres du Syndicat de l’enseignement Val-Maska ont manifesté devant les bureaux de la députée Chantal Soucy. À droite : Patrick Théroux, président. Photo : Nelson Dion

Comme partout au Québec, les centres de services scolaires ont dû réduire leur nombre d’élèves inscrits à la francisation.

Saint-Hyacinthe n’a pas fait exception. C’est d’ailleurs pourquoi une quarantaine de membres du Syndicat de l’enseignement Val-Maska étaient devant les bureaux de la député Chantal Soucy, le 14 novembre, pour dénoncer les coupures dans les services de francisation.

Coupures? Même le président du syndicat, Patrick Théroux, hésite à utiliser le mot, tant la situation est difficile à comprendre.

«Coupure n’est pas le bon mot, a-t-il affirmé à Mobiles. Les budgets sont là. Mais quand l’affectation des places est arrivée en août, ça nous a ramené aux places de 2020-2021. Ça nous recule de 4 ans, quand on était en pleine pandémie.»

Le Centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe corrobore son affirmation:

«À l’heure actuelle, l’attrition des 300 élèves inscrits aux cours de francisation demeure un élément clé pour notre centre de services, indique Émilie Laramée, coordonnatrice aux communication du Centre de services scolaire. En tenant compte de ceux qui termineront leur formation au cours des prochains mois et du pourcentage moyen du taux d’abandon, nous pourrions atteindre en juin, de façon progressive, la cible de 125 élèves financés fixée par le Ministère, soit le nombre d’élèves à temps complet desservis en 2020-2021.»

Depuis août, quelques enseignants ont été réaffectés dans l’organisation. Toutefois, à mesure que les groupes actuels complèteront leur session, c’est 16 des 20 enseignants en francisation, qu’ils soient à temps plein ou partiel, qui perdront leur poste d’ici juin, informe Mme Laramée.

Patrick Théroux s’explique mal cette volte-face du gouvernement du Québec. Le nombre d’immigrants ne cesse de croître et ceux-ci ont besoin d’apprendre le français pour s’intégrer dans leur nouvelle communauté et demeurer au Québec.

«Ça s’inscrit dans une chicane politique entre le fédéral et le provincial sur l’immigration, affirme-t-il. Malheureusement, ce sont les profs et leurs élèves qui en font les frais.»

Il souligne que plusieurs enseignants avaient sciemment choisi d’aller en francisation. Malheureusement, ils devront se diriger dans un autre secteur qui leur conviendra moins, souligne-t-il.

Il salue toutefois la décision du Centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe de réaffecter en priorité les enseignants à l’éducation des adultes ou aux autres services. Dans certaines régions, en Abitibi par exemple, les centres ont carrément fermé leurs programmes de francisation.

Annonce du ministre Roberge

Le 5 décembre, le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Jean-François Roberge, annonçait un réinvestissement de 10 millions $ pour augmenter l’offre de francisation dans le réseau des Centres de services scolaires. Cette somme devrait permettre à plus de 5 000 étudiants supplémentaires d’avoir accès à des cours de français d’ici le 31 mars 2025.

Cela signifie-t-il que de nouvelles sommes seront investies à Saint-Hyacinthe? Rien n’est sûr, puisque le ministre précisait que ces fonds seront injectés dans des régions affectées par un bris de services ou sur les territoires desquelles un point de service du ministère ne se trouve pas à proximité d’un centre de services scolaire. Au moment d’écrire ces lignes, le Centre de services scolaire de Saint-Hyacinthe ne pouvait confirmer un rehaussement de ses budgets.

Il n’y a pas eu de coupures, selon Chantal Soucy

 Pour la députée Chantal Soucy, il est faux de prétendre qu’il y a eu des coupures dans les services en francisation.

«Les chiffres parlent d’eux-mêmes: en 2018, environ 20 000 personnes bénéficiaient de cours de francisation au Québec, a-t-elle indiqué à Mobiles. Aujourd’hui, ce nombre atteint près de 70 000. Le budget a également suivi cette augmentation importante des besoins, passant de 57 millions $ en 2018 à 104 millions $ en 2024. On ne peut donc pas parler de coupures quand le budget a presque doublé en six ans.»

À Saint-Hyacinthe, le financement dédié à la francisation s’élevait à 1,17 million $ en 2022-2023. «Cela témoigne d’un effort concret pour répondre aux besoins locaux croissants.»

Mme Soucy souligne que le Québec a connu une augmentation record du nombre d’immigrants temporaires qui étaient près de 600 000 au printemps dernier. «Cette augmentation a mis énormément de pression sur nos ressources,» précise-t-elle.

Alors, comment expliquer que les centres de services scolaires ont dû réduire leur nombre d’étudiants ou même fermer des classes? «Certains centres de services scolaires ont dépensé, en quelques mois, tout leur budget,» souligne-t-elle.

Même s’il n’y a pas eu de coupures budgétaires en francisation à Saint-Hyacinthe, Mme Soucy confirme avoir rencontré les partenaires en francisation de la région.

«Mes représentations ont été faites auprès du ministre responsable de la francisation afin que nous puissions augmenter le budget du Centre de service scolaire de Saint-Hyacinthe, ajoute-t-elle. Une réponse favorable a été obtenue.»

À Saint-Hyacinthe, outre le Centre de services scolaire, le Cégep de Saint-Hyacinthe et la Maison de la famille des Maskoutains offrent aussi des services en francisation. Certaines entreprises offrent également des cours de francisation à leurs employés étrangers à même leurs locaux.