Ruralité

Le nouveau Guide alimentaire canadien : réactions de producteurs et d’agriculteurs

Le nouveau Guide alimentaire canadien abandonne les portions recommandées pour une assiette constituée d’une moitié de fruits et légumes, d’un quart d’aliments protéinés d’origine végétale et d’un quart d’aliments à grains entiers, privilégiant l’eau en guise de boisson. Ce guide fut créé en se fiant aux études scientifiques plutôt qu’à l’industrie. Voici quelques impressions.

Sans inquiétude

À la Ferme Kobec–Wagyu de Saint-Bernard-de-Michaudville, Simon Hamelin réplique avec assurance : « Nos viandes sont vendues des années à l’avance. Je crois que les gens vont manger moins de viande rouge, mais choisir une meilleure qualité. Nous n’avons qu’une vingtaine de bêtes par année, c’est une petite production du bœuf Wagyu. On crée un lien avec les clients en vendant nous-mêmes. » Aucune inquiétude face au nouveau Guide, donc.

Ferme Kobec : les mordus mangent moins de viande rouge, mais privilégient la qualité.

Christian Blais, DG d’Isoporc (deuxième producteur de porcs au Québec), revenait de vacances. « Je ne me suis pas fait d’opinion encore. Par contre, le porc est désigné comme une protéine animale de choix. Les jeunes filles ont tendance à opter pour les protéines végétales, mais la génération X et les boomers ne changeront pas vraiment leurs habitudes. » Les pertes seront compensées par l’exportation et par la consommation des immigrants. « Le porc est déjà la viande la plus consommée. Nous sommes bien positionnés malgré tout. »

Montée de lait

Les produits laitiers, qui formaient auparavant un groupe alimentaire distinct, sont intégrés à l’ensemble des aliments protéinés. Simon Giard, de la Ferme Giard de Saint-Simon, lance avec cœur : « C’est vraiment triste que le gouvernement canadien, encore une fois, tape sur l’industrie laitière. » Cette ferme qui en est à sa quatrième génération, avec ses 260 bêtes et 4000 litres de lait par jour, dépend du système de la gestion de l’offre. « Le commun des mortels ne lit pas le Guide tous les jours, mais les écoles, oui. On compte beaucoup sur les compensations promises, car nous sommes dans un contexte de grandes frustrations. »

Chez Cabri génétique international, à Saint-Damase, Christian Dubé affirme : « Ça fait partie des changements alimentaires des consommateurs. Je ne crois pas que cela aura un réel impact. » La ferme vend son lait de chèvre aux grandes entreprises, et des femelles pour la reproduction. L’industrie du lait de chèvre a connu des moments difficiles. « Mais le pire est passé. On négocie avec Agropur et on espère avoir de bonnes nouvelles à annoncer. »

Fruits et légumes en évidence

Chez Excel-Serres de Saint-Damase, Dominique Fortier s’exclame : « Cette situation nous réjouit ! Nous avons déjà perdu deux compétiteurs, alors c’est notre troisième coup de chance. On vient de terminer un énorme agrandissement, c’est un timing incroyable. On est prêts ! » Le producteur, qui livre ses tomates sur palettes à une soixantaine de commerces, souligne : « On a tous déjà changé un peu nos habitudes alimentaires. Tant mieux ! ».

Excel-Serres : des agrandissements qui portent fruit !

À la Ferme Équinoxe de Saint-Pie, Jeannine Messier cultive des bleuets biologiques et des asperges destinés principalement à l’autocueillette. « Selon moi, le nouveau Guide vient concrétiser la tendance des dernières années. Cela n’aura pas d’impact majeur sur les gros producteurs. J’aurais aimé, cependant, qu’il y ait une proposition pour les fruits et légumes frais et de saison. On aurait apprécié. Peut-être pour le suivant ! »

Le DG des Grains Semtech de Saint-Pie, François Tétreault, réagit : « C’est scientifiquement prouvé que si on s’alimente avec des protéines végétales, on s’en porte mieux. La culture du soya a pris beaucoup d’ampleur dans les 20 dernières années. » L’entreprise, qui couvre les marchés de la semence et de l’exportation de soya, marche à plein régime. « S’il y a un impact, ça peut être long avant de le ressentir. »

Bref, si les opinions divergent concernant les orientations du Guide, force est de constater que nos producteurs savent tirer leur épingle du jeu par leur labeur, la qualité de leurs produits et la diversité de leurs marchés. Cependant, travail acharné et détermination ne suffisent plus aux producteurs laitiers, éternels laissés pour compte. Maintenant, ils attendent que les promesses se transforment en compensations justes et équitables, et que nous privilégiions tous nos producteurs d’ici.