Carl Vaillancourt
La crise du logement : plusieurs projets prévus
Moins de huit mois après le dernier rapport de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), la pénurie de logements abordables a atteint un nouveau sommet à Saint-Hyacinthe, ce qui a eu pour effet d’augmenter la facture des locataires de la région.
Dans un recensement réalisé par TVA Nouvelles le 21 février dernier, la Ville de Saint-Hyacinthe se retrouve au cinquième rang des municipalités ayant la plus importante augmentation des loyers dans la province. Le prix moyen du logement a bondi de 8,1 % depuis le dernier rapport publié l’été dernier
Seules les villes de Gatineau, Shawinigan, Sherbrooke et Salaberry-de-Valleyfield présentent une hausse plus importante qu’à Saint-Hyacinthe.
Lors du dévoilement du nouveau programme S.A Reloge par le comité Logemen’mêle plus tôt en début d’année, l’intervenant en défense des droits des locataires, Pierre-Alexandre Voynaud-Nadeau, avait abordé la problématique qui existait à Saint-Hyacinthe.
« Avec un taux d’inoccupation bas, ça exerce une pression importante sur le prix des logements et ça rend la vie difficile aux locataires. Pour avoir un marché à l’équilibre, la SCHL estime qu’il manque 1 000 unités locatives à Saint-Hyacinthe », a expliqué Pier-Alexandre Voynaud-Nadeau.
Le dernier rapport publié par l’institution de juridiction fédérale en juin 2021 était qualifié d’inquiétant par les acteurs du milieu du logement sur la Rive-Sud. À ce moment, la facture mensuelle du logement moyen avec deux chambres (4 ½) s’élevait à 909 $ selon l’organisme communautaire spécialisé dans la question du logement situé au centre-ville de Saint-Hyacinthe.
Selon les plus récentes données, le loyer moyen du même logement en sol maskoutain frôle les 1 000 $ à ce jour.
Un contexte propice à l’explosion des coûts
Selon les experts, la conjoncture économique a contribué à cette hausse significative du prix des unités locatives depuis quelques années. La faiblesse des taux d’intérêt sur les prêts hypothécaires, combinée à la demande qui surpasse l’offre dans le marché immobilier, a exercé une pression importante sur le marché immobilier.
L’indice des prix à la consommation (IPC) a connu un bond spectaculaire en 2021. L’inflation s’est établie à 4,8 % au Québec en décembre dernier, soit le plus haut niveau enregistré depuis 1991. La banque centrale du Canada n’a pas eu d’autre choix que de hausser son taux directeur de 0,25 % pour atteindre 0,50 % le 2 mars dernier.
L’institution fédérale chargée de la politique monétaire au pays avait abaissé le taux directeur au début de la pandémie en mars 2020 pour atteindre un seuil de 0,25 %.
Dans une entrevue accordée à Radio-Canada le 2 mars dernier, le conseiller principal en gestion de patrimoine à la Banque Nationale de Sept-Îles, Serge Morin, avait critiqué le retard d’une telle décision. Selon lui, les contribuables ont payé pour cette décision retardataire.
« La Banque du Canada savait que le gouvernement au pouvoir allait injecter énormément d’argent et, pendant ce temps-là, elle n’a pas réagi. Elle a laissé l’immobilier exploser à la hausse, elle a laissé l’effet de richesse se créer et maintenant, il faut qu’elle réussisse à contrebalancer ce qu’elle a elle-même créé, avance M. Morin. »
En augmentant le taux directeur, la Banque du Canada essaie par le fait même de diminuer l’accessibilité aux emprunts afin de ralentir une croissance trop rapide de l’activité économique. Une hausse trop importante de l’économie viendrait créer une bulle inflationniste importante pour les Québécois.
Un stress financier pour les aînés
Parmi les gens les plus affectés par ces hausses répétitives, les aînés se retrouvent en tête de liste, eux qui voient leur pouvoir d’achat se détériorer un peu plus chaque année. Avec la hausse du prix des logements dans la région et l’exacerbation du coût de la vie, les aînés sont touchés de façon importante par la conjoncture actuelle.
Selon le directeur par intérim de l’Association coopérative d’économie familiale de la Montérégie-est (ACEF), Roger Lafrance, le stress financier est une préoccupation qu’il voit au quotidien dans ses fonctions.
« Avec l’augmentation du coût de la vie, le budget reste fragile. Les loyers, l’épicerie et les autres dépenses qui augmentent, ça devient stressant pour eux », a expliqué Roger Lafrance lors d’un entretien téléphonique avec le Journal Mobiles.
La situation n’est toutefois pas unique à Saint-Hyacinthe, puisque sa clientèle de Granby vit la même situation. L’accessibilité à un logement à prix abordable devient de plus en plus rare.
« C’est aussi pire à Granby qu’à Saint-Hyacinthe, explique-t-il. C’est la même situation. Ça insécurise beaucoup les gens. Si je n’ai pas un bon dossier de crédit, l’accès à un logement devient difficile. Les logements sont élevés à 800-900 $ pour une personne vivant seule. »
De son propre aveu, le nombre d’appels pour obtenir des services est en hausse de façon considérable. Uniquement pour les aînés, le directeur intérimaire de l’ACEF Montérégie-est estime que la hausse de son volume d’activités auprès de cette clientèle oscille entre 15 et 20 % depuis la pandémie.
Au-delà de la hausse du coût de la vie, la pandémie a joué un rôle important sur le stress financier et sur les inquiétudes des aînés. Beaucoup de personnes âgées se sont retrouvées isolées au cours des dernières années. Avec les points de service gouvernementaux fermés en raison de la COVID-19, plusieurs Maskoutains ont dû faire appel aux services de l’ACEF pour être accompagnés dans leurs démarches bureaucratiques.
À cette période de l’année, les propriétaires envoient le renouvellement de bail souvent accompagné d’une hausse tarifaire pour les 12 prochains mois. De par son expérience, Roger Lafrance a vu beaucoup d’aînés accepter des hausses qui ne respectaient pas les règles établies par la Régie du logement. Ceux-ci veulent éviter une source de stress supplémentaire.
« La personne qui vit dans un logement depuis longtemps, c’est une source de stress. Une personne âgée est moins susceptible de faire prévaloir ses droits au propriétaire. Un propriétaire qui envoie un avis d’augmentation de 30-40 $ par mois, il y a moins d’objections », a-t-il fait valoir.
Il tient toutefois à préciser que la pénurie de logements abordables ne se fait pas ressentir uniquement chez les aînés. Tous les groupes d’âge sont affectés par la situation actuelle selon lui. Par exemple, l’accessibilité à la propriété pour les jeunes fait aussi partie des enjeux visibles de la crise du logement.
Une série de bonnes nouvelles au début 2022
Conscients de la situation critique vécue par les citoyens de Saint-Hyacinthe, les élus municipaux ont adopté plusieurs projets de règlements au cours des dernières semaines afin de permettre la construction de bâtiments comportant plusieurs unités domiciliaires à Saint-Hyacinthe.
Le 22 février dernier, la députée provinciale de Saint-Hyacinthe, Chantal Soucy, a annoncé qu’un projet de 21 nouveaux logements sociaux et abordables sera financé par des fonds publics. La coquette somme de 4,8 M$ a été sécurisée pour rénover le bâtiment situé au 1400, rue Saint-Antoine, au centre-ville de Saint-Hyacinthe.
Les fonds alloués pour le projet proviennent de la deuxième phase de l’entente entre Ottawa et Québec pour le programme Initiative pour la création rapide de logements (ICRL) dirigé par la Société d’habitation du Québec. Au total, ce sont 1 400 logements sociaux et abordables qui seront construits en 2022 grâce à ce programme.
La députée Chantal Soucy s’est dite ravie de l’annonce réalisée par sa collègue ministre des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH), Andrée Laforest, le 22 février.
De son côté, le député fédéral de Saint-Hyacinthe-Bagot, Simon-Pierre Savard-Tremblay, a affirmé être heureux du dénouement. Bien qu’il salue le programme, le député bloquiste demande à Ottawa de bonifier l’enveloppe budgétaire.
« En mon nom et celui de mes collègues, nous demandons à ce que le fédéral investisse jusqu’à 1 % du budget annuel vers les provinces pour financer la construction de logements abordables de façon à répondre à la crise actuelle que nous vivons. Ça prend des investissements à Saint-Hyacinthe pour sortir de la crise du logement », a-t-il plaidé.
Ces 21 nouveaux logements abordables compenseront la démolition de l’immeuble locatif situé au 1095, avenue Laframboise. La Ville de Saint-Hyacinthe a déclaré que le bâtiment vétuste et dangereux devait être démoli prochainement. Une inspection réalisée l’été dernier avait démontré plusieurs éléments posant problème.
Sur une note positive, deux autres projets immobiliers d’envergure ont été annoncés au début du mois. Dans un premier temps, les hommes d’affaires maskoutains Vincent Lainesse et Dominic Rodier ont présenté un projet de huit étages comprenant 200 à 250 unités locatives, dont 30 % de logements abordables. Le projet Biophilia serait construit dans le stationnement public près du Centre des arts Juliette-Lassonde.
Avant d’aller de l’avant avec le projet, une étude de faisabilité sera réalisée auprès des acteurs locaux. De plus, le projet sera déposé au Fonds national de co-investissement pour le logement créé par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Le projet pourrait même être financé jusqu’à 95 % de sa valeur totale en fonction du nombre de logements abordables.
Finalement, un autre projet de 167 logements abordables sera mené par Gestion Mempré, propriétaire du terrain situé sur l’ancien magasin Pantorama à Douville. Lors de la lecture du projet de règlement au conseil municipal du 7 mars dernier, le conseiller municipal du secteur Douville, David-Olivier Huard, a mentionné que le projet comptera également 15 % de logements subventionnés par l’Office municipal d’habitation des Maskoutains et d’Acton.
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