Société
ENTREVUE

Léo Bureau-Blouin: entrevue avec un jeune homme

Image pour les listes

Il faisait chaud, très chaud ce jour-là. Nous avions rendez-vous devant le marché public. Nous nous sommes dirigés par la suite en direction d’un café (climatisé) sur la rue des Cascades. Lors de notre court trajet, les têtes se tournaient sur notre passage. Pas pour moi, bien sûr, mais pour celui qui m’accompagnait : Léo Bureau-Blouin.

JPEG - 98.1 ko
Photo : Paul-Henri Frenière.

Trois personnes l’ont félicité pour son travail comme président de la Fédération étudiante collégiale du Québec. « Tu dois commencer à être habitué ? », je lui demande. « Oui, c’est vrai que l’on m’aborde souvent dans la rue. La plupart du temps, c’est positif, mais pas toujours. Tantôt, aux galeries Saint-Hyacinthe, un vieux monsieur m’a engueulé. C’est son droit. »

Léo est un jeune homme poli, affable, gentil même. Sa nouvelle notoriété aurait pu lui monter à la tête. Pas du tout. On croirait que rien ni personne ne pourraient le faire sortir de ses gonds, lui faire péter une coche, comme on dit. Pas même Richard Martineau à qui il a accordé une entrevue sur les ondes de LCN.

Manifestement, Martineau voulait le désarçonner, le faire trébucher. Il réclamait à grand cri sa démission comme leader étudiant. Léo n’a pas bronché. Calme, articulé comme toujours, il a répondu du tac au tac à un Martineau qui jappait comme un chihuahua.

« Comment as-tu fait pour vivre autant de stress durant toute cette période : trois mois durant lesquels tu as été constamment, à chaque jour, dans la mire des médias ? », lui ai-je demandé.

« J’étais bien entouré, répond Léo. À la Fecq, j’avais une équipe formidable qui m’encourageait et qui me protégeait en quelque sorte. Par contre, lorsque certains chroniqueurs me critiquaient, je m’en faisais davantage pour mes proches, pour mes parents, par exemple, qui devaient trouver ça difficile. »

Une prise de conscience collective

Léo Bureau-Blouin a terminé son mandat comme président de la Fecq le 1er juin dernier. Il veut laisser toute la place à celle qui lui succède, Éliane Laberge. Il n’a d’ailleurs pas assisté au congrès de la fédération étudiante qui avait lieu la fin de semaine dernière.

« Je veux lui laisser les coudées franches pour la suite des choses », dit-il. Il continue néanmoins à suivre de près l’évolution du conflit étudiant qui est devenu, au fil du temps, une véritable crise sociale.

« Je n’ai peut-être pas réussi à conclure de manière positive la négociation avec le gouvernement, mais ce dont je suis particulièrement fier, c’est d’avoir un peu contribué à une prise de conscience collective », affirme-t-il. « Cela a une valeur inestimable pour la société québécoise. ».

Il blâme le gouvernement qui n’a jamais pu se mettre au-dessus de la mêlée, comme il aurait dû le faire, mais qui a plutôt attisé le conflit en démonisant les jeunes. Ce comportement a encouragé des gestes de violence, croit-il, une violence qu’il déplore. « Il n’y a pas de cause qui justifie la violence ». Sa grande peur, d’ailleurs, était que quelqu’un meure au cours des affrontements.

Un raccourci intellectuel

« Que penses-tu des propos de Christine St-Pierre, la ministre de la Culture, qui associe la carré rouge à l’intimidation et la violence ? », lui ai-je demandé. Encore une fois, Léo pèse ses mots et fait preuve de diplomatie. « Je ne comprends pas. Madame St-Pierre est une femme intelligente. J’imagine que c’est une phrase qui circule à l’intérieur du conseil des ministres. Je trouve cela dommage qu’elle prenne, elle aussi, ce raccourci intellectuel. C’est juste triste. »

« La démocratie est fragile, il faut y faire attention », déclare celui qui se destine au droit et qui entreprendra ses cours l’an prochain à l’Université de Montréal. « Si la grève est terminée », dit-il avec le sourire. Il a été impressionné par le travail de la clinique juridique Juripop qui a accompagné la Fecq tout au long du conflit.

« Je suis conscient que j’ai beaucoup reçu dans la vie. J’aimerais donner, à mon tour, à ceux et celles qui n’ont pas de voix pour se défendre face aux injustices. »

Au sortir du café, un monsieur d’une cinquantaine d’années avec un Polo rouge m’aborde. Il nous avait vu discuter et était même venu à notre table, plus tôt, pour féliciter Léo. Il me regarde dans les yeux : « Ce p’tit gars là va aller loin. On va le revoir un de ces jours à la télévision, ça c’est sûr… ». Ben d’accord.