Chronique

Où va Harper ?

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La nouvelle est passée inaperçue, ou presque. Quatre personnes perdent leur emploi au Centre de recherche et de développement sur les aliments de Saint-Hyacinthe. Pourquoi ? À cause du dernier budget conservateur de Stephen Harper. Coupures !

Pas facile d’avoir des informations. Les personnes licenciées auraient eu le mot d’ordre de ne pas parler aux médias. La seule chose que j’ai pu apprendre, c’est que parmi les sacrifiés, il y a un poste de chercheur.

Ce n’est pas surprenant puisque ce gouvernement semble se foutre éperdument des sciences. Comme il se fout de la culture, du reste.

À petites doses

Harper avait annoncé ses couleurs lorsqu’il dirigeait un gouvernement minoritaire, mais les partis d’opposition avaient le pouvoir de freiner ses envies. Maintenant qu’il est majoritaire, il se retient… encore. Pas fou, Harper. Oh que non !

S’il mettait en œuvre tous ses programmes de droite en même temps, il réveillerait le bon peuple et se mettrait lui-même en péril. Non, ce qu’il fait, c’est qu’il administre ses changements à petites doses, de manière homéopathique, dirons-nous.

Tranquillement, budget par budget, projet de loi par projet de loi, il insère peu à peu les éléments qui constituent sa vision du Canada. Lentement mais sûrement, il transforme le visage du pays.

D’une part, il élimine progressivement tout ce qui nuit à son idéologie. C’est fatigant un scientifique qui vient te dire que tes politiques vont à l’encontre du bon sens, surtout lorsqu’il travaille pour l’un de tes ministères. Alors tu abolis son poste. Voilà, le problème est réglé !

Que ce soit en environnement, en alimentation, en santé ou en toute matière relevant des ministères fédéraux, les opposants au développement économique « aveugle » sont peu à peu – mais systématiquement – écartés.

Sur le plan social, la pensée réformiste – fortement influencée par le fondamentalisme religieux -, s’insinue progressivement dans les législations touchant l’avortement (droit du fœtus), entre autres, ou plus agressivement dans le domaine judiciaire (peines minimales) et le port d’armes à feu.

Le Canada se métamorphose

Parallèlement à ce ménage « domestique », Harper pousse ses pions sur le grand jeu international. Encore une fois, l’image du Canada se transfigure.

D’un pays reconnu pour ses efforts visant le maintien de la paix, le Canada se métamorphose en État militariste. L’achat inconsidéré de F-35 en est une éclatante démonstration. Dans ce cas-ci, l’argent ne semble plus avoir d’importance. C’est comme pour souligner la fête de la Reine d’Angleterre : « Ça coûtera ce que ça coûtera ! ».

Mais pour financer (bien partiellement) ces petits joujoux qui font le bonheur des généraux (avec un seul F-35, on pourrait construire 3600 logements sociaux), on sabre allègrement dans l’aide au tiers-monde, notamment l’Afrique, au mépris des engagements pris par le gouvernement précédent.

Et on ne parle pas de la désastreuse intervention canadienne en Afghanistan (20 milliards $ en 10 ans) qui a fait plusieurs morts et d’innombrables dégâts post-traumatiques, souvent irréversibles. Encore aujourd’hui, le Canada hésite à se retirer…

Un océan d’incompréhension

Le gouvernement Harper n’est majoritaire que depuis un an. Imaginez les années qui viennent…

Le Parti conservateur a trouvé le moyen de se faire élire sans le Québec. Stratégiquement, on a courtisé les communautés immigrantes de sorte que l’un des deux peuples fondateurs de ce pays, le nôtre, se retrouve pratiquement exclu du pouvoir.

Le fossé qui existait entre le Québec et le Roc (rest of Canada) se transforme en rivière. Puis ce sera un fleuve et enfin un océan d’incompréhension infranchissable. Même l’ancien chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, en vient à cette conclusion.

Aux dernières élections fédérales, il y a bien eu un pont « orange » qui nous a relié au Roc, enfin à ce qu’il reste d’éléments démocrates et progressistes dans ce pays. Mais la droite est toujours bien vivante dans l’ouest et tend même à se radicaliser (Wildrose Party).

Est-ce que les ponts, que dis-je, les frêles passerelles qui nous relient au reste du Canada vont tenir bon encore bien longtemps ? Je ne saurais le dire. Chose certaine, le chemin qu’emprunte Stephen Harper pour nous mener à son Canada réformé ne convient pas aux Québécois. Même à petite vitesse, on tourne toujours à droite, beaucoup trop à droite.