Françoise Pelletier
Budget provincial et organismes communautaires : La régression tranquille.
C’est presque toujours la même histoire, de toute façon. Je me demande un peu pourquoi j’écris encore sur ce sujet. Parce que j’en fais partie, sans doute. Et que je le connais bien.
C’est ainsi que me revoilà-encore- en beau maudit devant le budget provincial qui accorde encore moins d’argent pour l’année 2016-2017 aux organismes communautaires autonomes en santé et services sociaux (ocasss) que pour l’année précédente (1.59 % du budget du Ministère de la Santé et des Services Sociaux consacré aux 3000 organismes communautaires comparativement à 1.61 % l’année précédente). C’est donc dire que non seulement l’histoire se répète, mais que le financement et la reconnaissance sont en régression.
Pourtant, les demandes et les services, accompagnements, aide directe aux personnes les plus vulnérables, elles, ont été nettement en croissance durant cette même période et la raison en est fort simple : les politiques d’austérité provinciale ont affecté la tranche la plus fragile socioéconomiquement de la société, c’est-à-dire les mêmes personnes que nous desservons dans les organismes communautaires autonomes. Les femmes, les enfants, les adolescent.e.s et les hommes qui vivent différentes problématiques et difficultés importantes dans leur vie, déficience physique et intellectuelle, toxicomanie, troubles mentaux, itinérance, etc.
Et ça, ce n’est que pour vous parler des raisons sociales pour lesquelles nous manifestons et revendiquons depuis de nombreuses années, dont une campagne nationale regroupant nos associations et tables régionales depuis 2012.
Parce qu’il ne faudrait pas dire, n’est-ce pas, que plus de 80 pourcent de notre financement de base provincial est affecté au salaire des intervenantes, employées de ces organismes communautaires autonomes. Qu’au fond, le non investissement d’argent public dans les organismes communautaires affectent non seulement les personnes desservies par nos organismes, mais aussi directement celles des travailleuses et travailleurs de ce tiers secteur. Que nous n’avons même pas d’équité salariale dans ce beau mouvement des organismes communautaires autonomes où ce sont plus de 87,9 pourcent de femmes qui travaillent pour ne toucher en moyenne que 25 000 de salaire annuel, comparativement à 33 000 pour les travailleurs hommes. Que nous représentons, aussi, 20 000 travailleuses et travailleurs à l’échelle du Québec.
Et surtout, qu’à peu près tout le monde, le gouvernement au premier chef, s’en fout royalement. À peine quelques lignes, communiqués émis ici et là par certains médias, épars, pour dénoncer cette situation intenable vécue depuis près de 40 ans par les travailleuses et travailleurs de ces organismes.
C’est encore l’histoire qui se répète. Les femmes, c’est ben aidant, ça aide tout le temps, c’est bien connu. Et puis, après tout, ne le savaient-elles pas lorsqu’elles se sont engagées dans ces organismes communautaires ? Et aussi, c’est une vocation, elles aiment ça faire leur travail, c’est leur choix.
Du beau capital pour le gouvernement provincial qui n’a qu’à faire ce qu’il fait de mieux, c’est-à-dire rien du tout. Et rire de nous en passant une motion de reconnaissance du travail colossal que réalisent les ocasss, ou déclarer comme le ministre Gaétan Barrette en février dernier qu’il allait penser aux organismes communautaires dès le prochain budget.
C’est parce qu’on a toujours pas appris à se sustenter de pensées et de motions, malheureusement.
Et je crois que tant qu’on ne se reconnaitra pas nous-mêmes, entre nous, travailleuses et travailleurs des organismes communautaires du Québec, tant qu’on ne se solidarisera pas entre nous réellement pour faire front commun toutes et tous ensemble, nous continuerons d’avoir en commun une seule chose : la régression.
Quelqu’un a déjà dit un jour que les Québécois en général avaient de la difficulté à se reconnaitre, de se donner le droit de réussir au niveau financier. Je crois que cela est vrai, et que c’est encore pire pour les femmes et hommes travailleuses et travailleurs du milieu communautaire. Lorsque nous aurons réussi à se le dire bien comme il faut en face, à se reconnaitre ce droit légitime, je crois que nous pourrons, pour faire changement, avancer ensemble et avoir le droit de vivre décemment, comme ce que nous préconisons et encourageons à faire les personnes que nous aidons dans nos organismes communautaires.
Re: Budget provincial et organismes communautaires : La …
En plein dans le mille! Pourtant, les organismes communautaires offrent des services essentiels et la rémunération des intervenantes en fait presque des personnes à risque également! Donnons un peu moins d’argent aux médecins spécialistes (ils pourront toujours aller en voyage dans le Sud et se payer une résidence secondaire) et redonnons un peu è des femmes et des hommes sans qui la misère serait encore plus criante…
Re: Budget provincial et organismes communautaires : La …
Merci pour cet excellent texte et merci de prendre la défense des organismes communautaires, nous parlons trop peu de cet enfant pauvre du réseau de la santé!
Re: Budget provincial et organismes communautaires : La …
Depuis son entrée en poste, le ministre Barrette a démontré à plusieurs reprises qu’il n’a aucune sensibilité envers les plus démunis, envers les femmes, envers la dissidence et envers les organismes qui tiennent à bout de bras le réseau de la santé et des services sociaux pour des peanuts. Ses seules préoccupations; avoir le dernier mot, intimider et enrichir les dieux-médecins. Un vrai matamore. Les conséquences des réductions d’activités se mesurent déjà et des coupures voire des fermetures pointent à l’horizon.
Quant aux travailleurs et aux travailleuses, le constat est partagé. Le mouvement est à la croisée des chemins car les solidarités s’effritent et l’entraide se rétrécit comme une peau de chagrin. Encore là, les conséquences seront néfastes si rien ne change. En se divisant, ils donnent raison à toute la classe politique. Espérons qu’ils seront rapidement revenir à la raison et incarner concrètement les valeurs fondamentales qu’ils prétendent défendre dans leur quotidien.
Re: Budget provincial et organismes communautaires : La …
Beau Texte Françoise!
Re: Budget provincial et organismes communautaires : La …
Merci Françoise,
Pour le texte pertinent . En plein dans le mille comme ont dit certain(e)s ici.
Cependant pour ma part je ne suis point rassurée du tout quand le ministre Barrette dit qu’il pensera à nous…car quand on voit ce qu’il fait à ceux à qui il « pense »…ils disparaissent presque tous et toutes!!!!
Ça tombe comme des mouches :o(
Re: Budget provincial et organismes communautaires : La …
Merci Françoise de souligner cet important écart entre les salaires des hommes et celui des femmes dans le communautaire. J’y ai travaillé depuis que je travaille de façon régulière soit depuis que j’ai travaillé pour Action-chômage en 1976 à la CSN à Québec (sans salaire ni dépenses dédommagées). Sans parler du militantisme bénévole que je pratique depuis ce temps pour différents organismes en santé mentale (RRASMQ) (AGIDD-SMQ), Action Autonomie etc.
Depuis 40 ans et des poussières j’ai pu constater l’écart entre les salaires des femmes et des hommes mais aussi la différence du niveau d’implication qui dans les années 80 étaient notoires au point que le Théâtre Parminou en avait fait une parodie. Les filles faisaient le café et les gars discutaient de la suite du monde. C’est un peu court mais ça ressemblait un peu à ça.
Heureusement les choses se sont nettement améliorées depuis. Je dois constater cependant que le fait d’être une femme travaillant dans le communautaire en santé mentale et ayant de plus, eu la malchance d’avoir été maltraitée pendant sa minorité par le dit système de sm a fait de moi plus qu’à mon tour une bénévole, militante qu’une travailleuse payée à sa juste valeur(tenant compte de mes nombreuses formations et mes nombreux talents)
Je ne suis plus frustrèe de la situation car j’ai appris à faire le deuil de mes illusions. Cependant, je dois dire que les salaires les plus conformes à mes talents ont toujours été ceux d’une contractuelle lorsque j’étais ou à l’emploi de l’ONF (recherchiste) ou à l’emploi d’une collègue avocate, ou encore dans le domaine de la recherche à l’UdeM aruci-smq.org. Lorsque par contre comme femme et ex-maltraitée par le système, il vaut mieux être syndiquée que traitée comme une précaire par l’administration universitaire car là on se balade dans un univers Kafkaien et j’exagère à peine.
Merci de soulever cette importante, question toujours d’actualité et ce, plus que jamaisavec les docteurs au pouvoir. En passant débarrassons-nous des libéraux femmes et hommes confondus. La relève des femmes du milieu est beaucoup plus affirmative et c’est tant mieux, il y avait un gouffre à franchir et je crois avoir participer à le franchir.
Re: Budget provincial et organismes communautaires : La …
Merci Françoise Pelletier pour ton beau titre et ton beau texte. Je me suis revue dès ton premier paragraphe…Moi, je suis convaincue que les organismes communautaires autonomes en santé et services sociaux devraient se donner comme moyen de pression l’audace de conditions de travail décentes . On se tue à ouvrir nos portes 12 mois par année alors qu’on a de l’argent pour 50 ou 60% du temps d’ouverture.
On aura beau dire que l’argent doit aller pour les personnes vulnérables mais il faut aussi des personnes qui travaillent en support et soutien auprès de ces personnes.
Alors, tenons-nous debout ensemble!
Re: Budget provincial et organismes communautaires : La …
Salut Françoise! Toujours aussi belle ta plume!
Un petit résumé bien à moi et une suggestion :
Essentiellement, les gens se sentent écrasés par le système et n’osent plus rien faire; ils sont intimidés. Y’a de quoi. Barrette a bâti sa carrière sur l’intimidation. Et il est loin d’être le seul. Le système au complet carbure sur cette intimidation; plus les citoyens hésitent avant de de dire « ASSEZ C’EST ASSEZ! », moins les politiciens ont besoin de travailler!
La suggestion est donc particulièrement simple. Il faut arrêter de se laisser intimider. Vous avez quelque chose à dire à monsieur Barrette? Décrochez donc le téléphone? Vous le voyez en public? Cessez donc d’être polis et inondez-le questions embêtantes! Je dis Barrette mais il y en a d’autres.
Et le nec plus ultra : il est entendu qu’un grand nombre de députés à Québec sont des politiciens de carrière et ils sont là pour protéger le statu-quo. Que diriez-vous de vous présenter pour les prochaines élections? Ne le faites pas pour gagner. Faites-le pour forcer les candidats pouilleux à faire des compromis et s’engager à faire autre chose que préserver le système tel qu’il l’est aujourd’hui.
Faut arrêter de se trouver des défaites. Changer le monde c’est quelque chose qu’on fait à tous les jours. Parlez-en. Faites-le savoir. Si c’est votre truc, devenez un candidat. Le monde ne changera pas sans vous.