Chronique

Budget provincial et organismes communautaires : La régression tranquille.

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C’est presque toujours la même histoire, de toute façon. Je me demande un peu pourquoi j’écris encore sur ce sujet. Parce que j’en fais partie, sans doute. Et que je le connais bien.

C’est ainsi que me revoilà-encore- en beau maudit devant le budget provincial qui accorde encore moins d’argent pour l’année 2016-2017 aux organismes communautaires autonomes en santé et services sociaux (ocasss) que pour l’année précédente (1.59 % du budget du Ministère de la Santé et des Services Sociaux consacré aux 3000 organismes communautaires comparativement à 1.61 % l’année précédente). C’est donc dire que non seulement l’histoire se répète, mais que le financement et la reconnaissance sont en régression.

Pourtant, les demandes et les services, accompagnements, aide directe aux personnes les plus vulnérables, elles, ont été nettement en croissance durant cette même période et la raison en est fort simple : les politiques d’austérité provinciale ont affecté la tranche la plus fragile socioéconomiquement de la société, c’est-à-dire les mêmes personnes que nous desservons dans les organismes communautaires autonomes. Les femmes, les enfants, les adolescent.e.s et les hommes qui vivent différentes problématiques et difficultés importantes dans leur vie, déficience physique et intellectuelle, toxicomanie, troubles mentaux, itinérance, etc.

Et ça, ce n’est que pour vous parler des raisons sociales pour lesquelles nous manifestons et revendiquons depuis de nombreuses années, dont une campagne nationale regroupant nos associations et tables régionales depuis 2012.

Parce qu’il ne faudrait pas dire, n’est-ce pas, que plus de 80 pourcent de notre financement de base provincial est affecté au salaire des intervenantes, employées de ces organismes communautaires autonomes. Qu’au fond, le non investissement d’argent public dans les organismes communautaires affectent non seulement les personnes desservies par nos organismes, mais aussi directement  celles des travailleuses et travailleurs de ce tiers secteur. Que nous n’avons même pas d’équité salariale dans ce beau mouvement des organismes communautaires autonomes où ce sont plus de 87,9 pourcent de femmes qui travaillent pour ne toucher en moyenne que 25 000 de salaire annuel, comparativement à 33 000 pour les travailleurs hommes.  Que nous représentons, aussi, 20 000 travailleuses et travailleurs à l’échelle du Québec.

Et surtout, qu’à peu près tout le monde, le gouvernement au premier chef, s’en fout royalement. À peine quelques lignes, communiqués émis ici et là par certains médias, épars, pour dénoncer cette situation intenable vécue depuis près de 40 ans par les travailleuses et travailleurs de ces organismes.

C’est encore l’histoire qui se répète. Les femmes, c’est ben aidant, ça aide tout le temps, c’est bien connu. Et puis, après tout, ne le savaient-elles pas lorsqu’elles se sont engagées dans ces organismes communautaires ? Et aussi, c’est une vocation, elles aiment ça faire leur travail, c’est leur choix.

Du beau capital pour le gouvernement provincial qui n’a qu’à faire ce qu’il fait de mieux, c’est-à-dire rien du tout. Et rire de nous en  passant une motion de reconnaissance du travail colossal que réalisent les ocasss, ou déclarer comme le ministre Gaétan Barrette en février dernier qu’il allait penser aux organismes communautaires dès le prochain budget.

C’est parce qu’on a toujours pas appris à se sustenter de pensées et de motions, malheureusement.

Et je crois que tant qu’on ne se reconnaitra pas nous-mêmes, entre nous, travailleuses et travailleurs des organismes communautaires du Québec, tant qu’on ne se solidarisera pas entre nous réellement pour faire front commun toutes et tous ensemble, nous continuerons d’avoir en commun une seule chose : la régression.

Quelqu’un a déjà dit un jour que les Québécois en général avaient de la difficulté à se reconnaitre, de se donner le droit de réussir au niveau financier. Je crois que cela est vrai, et que c’est encore pire pour les femmes et hommes travailleuses et travailleurs du milieu communautaire. Lorsque nous aurons réussi à se le dire bien comme il faut en face, à se reconnaitre ce droit légitime, je crois que nous pourrons, pour faire changement, avancer ensemble et avoir le droit de vivre décemment, comme ce que nous préconisons et encourageons à faire les personnes que nous aidons dans nos organismes communautaires.