Opinion

Et si on pensait aux contribuables?

Trop. C’est le mot qui vient à l’esprit quand on essaie de qualifier la hausse de salaires que la Ville de Saint-Hyacinthe vient d’accorder à ses cadres.

Résumons les faits. La Ville permet à ses 70 cadres un rattrapage salarial de 14% à compter de janvier, en plus de la hausse de 2,25% déjà prévue au contrat de travail. Le conseil municipal a ainsi entériné la recommandation de sa directrice générale, après avoir commandé une étude sur les salaires offerts aux cadres dans d’autres villes comparables.

On pourrait en dire beaucoup sur cette décision. La cheffe de Saint-Hyacinthe unie, Marjo Demers, a publié une lettre fort explicative dans le dernier numéro de Mobiles. Attardons-nous sur quelques aspects.

Que les cadres aient eu besoin d’un certain rattrapage, on peut en discuter. Mais Saint-Hyacinthe accordera un rattrapage à hauteur de 105% de la moyenne des salaires offerts dans les autres villes. Là, on n’est plus dans du rattrapage. On est plutôt dans l’enflure.

«Cette importante hausse de la rémunération ne peut qu’alimenter la spirale inflationniste et compromettre sérieusement la capacité d’agir de notre municipalité,» déclare avec justesse David Bousquet, l’un des deux conseillers qui ont voté contre la décision, l’autre étant Bernard Barré.

De façon générale, les employés municipaux sont les employés du secteur public les mieux payés en ce moment. D’ailleurs, le gouvernement Legault ne se gêne plus pour le rappeler aux maires qui demandent un rehaussement financier pour faire face à leurs obligations. Ils n’ont pas nécessairement tort car les villes comptent essentiellement sur l’impôt foncier pour leurs revenus. Par contre, avant de demander l’aide de Québec, ils devraient faire le ménage dans leur propre cour.

Comment expliquer pareil phénomène? Les élus municipaux sont souvent bien mal placés pour tenir tête à leurs employés. Les villes offrent les services les plus près des citoyens et contrairement aux autres niveaux de gouvernement, elles ne peuvent pas voter de lois pour imposer un retour au travail ou des conditions de travail.

L’autre élément qui explique cette situation, c’est la comparaison systématique avec les autres municipalités. Cette façon de faire entraîne inévitablement une inflation des salaires. Que pensez-vous que feront les autres employés de la Ville quand viendra le temps de négocier leurs nouvelles conditions de travail? Une grande partie du problème est là.

L’absent de taille : les contribuables

L’administration municipale s’est bien défendue pour expliquer sa décision. On veut retenir les cadres. Or, depuis quelques années, on assiste aux portes tournantes. La rareté de la main d’œuvre n’explique pas tout. L’ambiance de travail ne semble pas la meilleure au sein de l’organisation municipale. On peut aussi se demander pourquoi les nouveaux cadres ne proviennent pas davantage de ses propres employés.

Bref, l’absent de taille dans ce débat est le contribuable. Au moment où beaucoup de propriétaires se voient égorgés par la hausse des taux d’intérêt et que l’inflation gruge tous les budgets, voilà que les cadres auront droit à une grosse augmentation de salaires, entre 9 538$ et 25 736$ selon le cas, à compter de janvier.

Faudra l’avoir en tête quand on recevra notre prochain compte de taxes.