Marie-Claude Morin
À l’occasion de la Journée internationale de l’alphabétisation du 8 septembre, le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec (RGPAQ), représentant 78 organismes communautaires, a interpellé à nouveau le gouvernement du Québec pour l’adoption d’une stratégie nationale de lutte à l’analphabétisme.
Précisons qu’en une décennie, le pourcentage de la population âgée de 16 à 65 ans, vivant avec de grandes difficultés de lecture et d’écriture, est passé de 19 % en 2012 à 22 % en 2022. Ainsi, il est primordial d’instaurer des mesures structurantes qui s’attaqueront aux causes et aux conséquences de l’analphabétisme au Québec.
Je ne peux m’empêcher ici de faire un lien avec le système scolaire, il n’est pas exagéré d’affirmer que les inégalités y sont de plus en plus présentes et que les élèves vivant avec des besoins particuliers sont de plus en plus oublié-es. Les enseignant-es et les employé-es de soutien doivent composer au quotidien avec un manque d’effectif important dans les écoles, ce qui a, bien évidemment des conséquences directes sur les étudiant-es. Les ressources ne répondent clairement plus aux besoins.
Si nous abordons le sujet d’un point de vue historique, dans les années cinquante, l’éducation au Québec était très en retard sur le reste de l’Occident, la province ne comptait pas plus de six universités réunissant à peine 18 000 étudiants.
Le rapport Parent de 1964, précurseur à la création des cégeps, abordait la gratuité scolaire comme une valeur sociale, un choix politique et non comme un rêve ou une utopie. Le Québec a ainsi vu sa population étudiante doubler en peu de temps et pour plusieurs familles, c’était un univers des possibles qui s’ouvrait.
S’en est suivie les mobilisations étudiantes de 1968, confirmant le désir des québécois-es d’avoir accès, de façon universelle, à une instruction de qualité. Nous assistons alors à la création du réseau des universités du Québec, « l’université du peuple » se voulant beaucoup plus accessible et inclusive.
En parallèle, l’alphabétisation populaire, née dans les années soixante, prend de l’ampleur dans les années quatre-vingt. Véritables milieux de vie, ces organismes proposent aux adultes des démarches éducatives et citoyennes et travaillent à sensibiliser la population aux enjeux de l’analphabétisme, qui vient souvent de pair avec la pauvreté et l’exclusion sociale.
Le projet de la gratuité scolaire s’essouffle considérablement depuis les années quatre-vingt-dix. Après plusieurs grèves, plusieurs hausses et transformations, nous parlons aujourd’hui, aux niveaux primaire et secondaire, d’une école à trois vitesses venant évidemment altérer la mixité sociale dans les écoles, ce qui accentue encore les inégalités. L’institut de recherche et d’information socioéconomique (IRIS) parle même d’une ségrégation entre les élèves, basée sur la performance et le statut socioéconomique.
Nous trouvons d’un côté, le réseau privé qui sélectionne les élèves les plus performant-es ayant un statut social plutôt privilégié, les frais annuels pour les parents pouvant varier entre 5 000 et 20 000 $ par an. Ensuite, le réseau public propose des programmes enrichis, qui peuvent occasionner des frais annuels allant de 1 200 à 14 000 $. Finalement, les classes ordinaires, occasionnant moins de coûts pour les parents.
Résultante : en 2022, la population universitaire est alors composée de 60 % d’étudiants venant du privé, 51 % venant de programmes enrichis du public et 15 % venant des programmes réguliers.
Il est plus que temps d’écouter les expert-es en éducation et de prendre les mesures nécessaires afin de lutter efficacement contre les inégalités avec un système scolaire universel, accessible et réellement inclusif, tout en travaillant sérieusement sur une stratégie nationale en alphabétisation, afin de ne laisser personne de côté.
Le savoir ne devrait pas être considéré comme une marchandise et tous-tes devraient avoir une chance égale de s’instruire.
Trouvons le courage de faire ce choix politique !
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