Chronique

Ces milliardaires des RPA

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Depuis quelques années, les résidences pour personnes âgées (RPA) poussent comme des champignons au Québec, notamment à Saint-Hyacinthe. Pourquoi cette éclosion? La réponse se trouve dans une étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) parue récemment.

Intitulé «Les résidences privées pour aînés au Québec — Portrait d’une industrie milliardaire», le document cible trois entreprises particulièrement actives dans notre région : les groupes Sélection, Maurice et Chartwell.

Selon la chercheuse Anne Plourde, la place croissante occupée par ces chaînes de RPA ouvre toute grande la porte à un processus de « financiarisation » de l’hébergement. On comprend que l’on privilégie l’acquisition rapide de profits.

Et cette prospérité grandissante vient notamment de l’argent public, c’est-à-dire de nos poches.

En effet, l’étude nous apprend que Le gouvernement du Québec a versé, depuis 2007, cinq milliards de dollars aux RPA par l’intermédiaire du crédit d’impôt pour le maintien à domicile des aînés. Et il faut ajouter à cela les quelque 200 millions dépensés par les établissements du réseau public en achats de places d’hébergement et de services à domicile auprès de ces entreprises.

Pour 2021 seulement, ce sont près de 530 millions $ qui seront ainsi perçus par les RPA, soit l’équivalent du tiers du budget d’aide à domicile qui est 1,7 milliard $. 

Pendant ce temps, on sait que les services à domicile publics souffrent d’un important sous-financement chronique et que des milliers de personnes sont en attente de services.

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L’argent public finance donc généreusement ces entreprises milliardaires. Mais ce n’est pas tout. Certaines villes font également des « courbettes fiscales » pour les attirer afin d’en retirer des bénéfices à plus long terme via la taxe foncière.

C’est le cas des autorités de la Ville de Saint-Hyacinthe qui, depuis maintenant quatre ans, multiplient les « accommodements » au Groupe Sélection pour qu’il s’installe au centre-ville.

J’ai écrit ma première chronique sur le sujet en juin 2017. Depuis ce temps, MOBILES a publié des dizaines de textes et d’opinions du lecteur – très majoritairement réprobateurs – concernant la venue de cette entreprise et l’attitude de l’administration municipale.

La sonnette d’alarme s’est d’abord fait entendre lorsque la Ville a décidé d’accorder un congé de taxes à l’entreprise pour une durée de cinq ans. Puis, les événements se sont succédés : la démolition de maisons à logements abordables; l’éviction des résidents; la formation d’un comité de citoyens s’opposant au projet; une pétition de 2500 noms; une marche de protestation dans les rues du quartier et des interventions citoyennes à l’hôtel de ville, entre autres choses.

Il ne faut pas oublier qu’au centre de tout cela, c’est le sort des personnes âgées qui importe. Et particulièrement celles qui n’ont pas les moyens de se payer le loyer d’une luxueuse résidence privée. Au fond, ce qu’elles veulent, c’est d’avoir la possibilité de vieillir à la maison.

Il faut cesser de financer cette industrie milliardaire avec les fonds publics.  Le gouvernement du Québec devrait plutôt transférer tout cet argent accordé aux RPA pour financer davantage les services à domicile publics. 

L’IRIS nous apprend que près de 50 % des nouvelles sommes annoncées dans le budget 2021-2022 pour bonifier les services à domicile seront, dans les faits, empochées par les RPA.