Chronique

DÉ – GON – FLÉE

Je me souviens encore de ces paroles d'un conseiller municipal qui contestait l'augmentation des coûts du Festival rétro de Saint-Hyacinthe : « Le festival est comme une grenouille qui veut devenir aussi grosse qu'un boeuf ». Cette référence au conte de Jean de La Fontaine sous-entendait que les ambitions de l'organisateur de l'événement étaient démesurées et qu'elles allaient causer sa disparition.

Avec une mentalité comme celle-là, Guy Laliberté ferait encore le clown sur des échasses à Baie-Saint-Paul et Céline Dion chanterait pour le club de l'âge d'or de Charlemagne.

Certains se souviendront que le Festival rétro n'a pas toujours été quétaine. À la fin des années 90, on aménageait un immense chapiteau de 4000 places dans le stationnement du centre-ville. Environ 70 000 spectateurs y défilaient en cinq jours.

L'organisateur, Michel Rousseau, attirait des groupes des États-Unis, de France, d'Allemagne et a même convaincu le célèbre rock band April Wine de s'y produire.

En 1999, à l'occasion du dixième anniversaire du festival, une audacieuse campagne publicitaire a attiré l'attention des médias nationaux. La amateurs de rétro de Montréal et d'ailleurs au Québec convergeaient vers Saint-Hyacinthe et, pour plusieurs, découvraient la Jolie.

Mais voilà. Tout cela coûtait des sous et le conseil municipal à reculé. Pour un déficit accumulé de 120 000$ en cinq ans (une moyenne de 24 000$ par année) alors que la publicité pour la ville valait au moins dix fois plus.

On est donc revenu à l'ancienne formule. Retour au parc Casimir-Dessaulles et à Joël Denis, Michèle Richard et la sémillante Jenny Rock. On connaît la suite, le festival est mort de sa belle mort. Saint-Hyacinthe s'était DÉ – GON – FLÉE.

Vous me voyez venir. Pas vraiment.

Je ne parlerai pas de la coûteuse campagne publicitaire que la Ville, la MRC et la Chambre de commerce viennent de lancer pour redorer l'image de la « grande région de Saint-Hyacinthe ». Ridicule, je l'ai déjà écrit dans un précédent billet.

Non, je veux parler de cette fâcheuse tendance qu'ont nos élus régionaux à penser petit, à ne pas prendre de risque, à se dégonfler…

On a le plus bel exemple avec le Rendez-vous des papilles. Comme le Festival rétro en 1999, le rendez-vous atteignait sa dixième année d'existence l'an dernier. Un anniversaire charnière pour ce genre d'événement. C'est le moment où, normalement, on devrait mettre le paquet pour y donner un deuxième souffle, un élan nouveau afin de consolider sa pérennité.

Au lieu de cela, on recule, on rapetisse, on dégonfle. Comme en 2000 avec le Festival rétro, on va rapatrier le tout au parc Casimir-Dessaulles. On va charcuter le volet culturel. On va réduire les jours et les heures d'exposition. On va, on va, on va… dégonfler.

Même chose pour l'expérience de rue piétonne sur Des Cascades qui a connu du succès l'été dernier. Ça dérange les habitudes, ça coûte un peu de sous : on recule.

Si je me fie aux autres villes qui présentent avec succès des festivals ou des projets « innovants » qui attirent le public local et d'ailleurs, ça prend un leader. Un homme ou une femme qui croit vraiment à ce qu'il fait. Quelqu'un qui a une vision et qui sait la vendre aux décideurs. Quelqu'un qui ne s'arrête pas aux premières oppositions et qui va de l'avant. Bref, quelqu'un qui ne se dégonfle pas.

Nous en avions un au Festival rétro en 1999, mais la Ville l'a congédié. Ici, apparemment, on n'aime pas les grenouilles qui veulent devenir des bœufs.