Chronique

En français s’il vous plaît

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Le gouvernement de la CAQ promet une réforme « costaude » de la Loi 101 avant la fin de la session parlementaire. Je suis assez vieux pour me rappeler la situation qui prévalait avant l’adoption de la Charte de la langue française adoptée en 1977. Bien sûr, on voulait principalement freiner l’anglicisation galopante qui sévissait à Montréal, mais la présence grandissante de l’anglais se voyait partout, même à saint-Hyacinthe qui avait pourtant la réputation d’être la ville la plus francophone de l’Amérique du Nord.

Ce phénomène était particulièrement visible au centre-ville. En magasinant sur la rue des Cascades, on pouvait aller au United Store ou encore chez Greenberg’s, Peoples et Woolworth. Après avoir été chercher de l’argent à la Eastern Townships Bank, rue Girouard, on pouvait payer son compte d’électricité à la Southern Canada Power.

Nous avons encore des vestiges de ce paysage colonial et l’exemple le plus évident trône encore juste en face du marché public. L’abreuvoir en pierre qui s’y trouve a été offert par le dernier seigneur de Saint-Hyacinthe, Robert A. Jones, et l’inscription est écrite uniquement en anglais. (Si vous ne me croyez pas, allez vérifier vous-même.)

De plus, les patrons de nos grandes usines étaient majoritairement anglophones : la Goodyear, la U.S. Knitting, la Gotham (où mon père a déjà travaillé) ou la Eastern Townships Corset, entre autres. Dans ce contexte, pas surprenant que la langue du colonisateur s’infiltre dans le quotidien de la population pourtant très largement francophone. 

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L’avènement de la Loi 101 a eu l’effet de freiner cet envahissement par la langue anglaise. Après 44 ans de son application, on ne peut nier que la situation s’est améliorée. Mais attention! Les gains qui ont été faits demeurent fragiles.

En ce qui concerne l’affichage commercial, par exemple, force est de constater que l’on a relâché les règles. Lors de son adoption, en 1977, l’article 58 de la loi prévoyait que « L’affichage public et la publicité commerciale se font uniquement dans la langue officielle », c’est à dire le français. Par la suite, cet article de la loi a été modifié à trois reprises : 1983, 1989 et 1993. À chaque fois, on affaiblissait sa portée, notamment en raison d’une décision de la Cour suprême du Canada.

Le contexte linguistique a beaucoup changé ces dernières années. La francisation « nécessaire » mais insuffisante des nouveaux arrivants en est un exemple. On sent également un certain relâchement des règles édictées par la Loi 101 et une acceptation passive de l’anglicisation progressive.

Par exemple, j’ai vu passer des publicités qui accordaient autant d’espace à l’anglais qu’au français. Ici même! Pourtant, selon les dernières données recensées pour la circonscription de Saint-Hyacinthe (2016) concernant la langue parlée le plus souvent à la maison, l’anglais affichait un pourcentage insignifiant : 0,5%.

Il ne faut pas oublier qu’à l’échelle du monde, nous sommes un petit village gaulois au centre d’un immense empire anglo-saxon. Une langue, ce n’est pas simplement des mots ou des règles d’orthographe. C’est une manière de penser, c’est une culture, c’est une manière de vivre. Une langue, c’est une fierté.