Chronique

DIEU ET L’IMMOBILIER

vatican

Le brouhaha médiatique entourant l’élection du pape François a braqué les projecteurs sur le Vatican. Ça n’arrive pas souvent. L’extravagante richesse de l’Église a quelque chose en commun avec l’extrême pauvreté en Haïti : on sait que ça existe, mais on n’y pense pas à tous les jours.

Un fastueux décor d’un autre âge où des hommes en robe rouge siègent entre les œuvres d’art grandioses, le marbre rare et les paillettes d’or.

Quand j’ai vu les grosses colonnes torsadées, j’ai pensé au film de Zeffirelli, François et le chemin du soleil. Le jeune François d’Assise, nus pieds et vêtu d’une bure, se retrouve devant le pape Innocent III (ça ne s’invente pas !), trônant entre les imposantes colonnes, pour lui demander la permission de fonder sa congrégation de franciscains.

Innocent III se lève de son saint siège doré, pointe le ciel de son index, descend lentement les marches de marbre et va s’agenouiller devant l’humble jeune homme. Geste théâtral visant à démontrer qu’il reconnaissait en lui les valeurs évangéliques de pauvreté.

Le pauvre François est reparti avec ses chums et ses hardes, quêtant son pain et son gîte : une gang qu’on qualifierait aujourd’hui d’itinérants et de sans-abri.   Quant à Innocent III, il est retourné aux affaires de l’Église : Business as usual. Il faut mener les croisades et confisquer les maisons et les terres des hérétiques.

Ce qui m’amène à un autre film, plus récent celui-là, où l’on retourne au Vatican : Le Parrain III. Cette fois c’est Michael Corleone, le chef de la mafia de New York, qui fréquente les officines papales avec l’intention de blanchir son argent. Il s’arrange avec un cardinal influent pour investir dans l’immobilier.

C’est connu, le Vatican a amassé sa colossale fortune en investissant le pécule de ses fidèles dans les terrains et les bâtisses. La recette a fonctionné partout. Même à Saint-Hyacinthe semble-t-il…

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J’ai été surpris par les récents déboires du collège Antoine-Girouard, mon alma mater. Et encore plus étonné que l’Oeuvre Antoine-Girouard – constituée dès le départ par des dons immobiliers – n’ait pas desserré les cordons de sa grosse bourse pour aider le collège à poursuivre sa vocation.

Avec environ 33 millions $ dans ses coffres, on aurait pu s’attendre à ce que la mamelle financière du Séminaire soit plus généreuse. Sa mission n’est-elle pas de soutenir l’enseignement ?

Ce qui m’a amené à faire une petite recherche googlesque sur cette œuvre bien riche mais bien discrète. J’apprends que cet « organisme de bien être » a aussi un autre champ d’intervention, soit le logement pour les personnes à faible revenu et les personnes âgées.

Poursuivant ma recherche, je me rends compte que cette organisation caritative était souvent associée à un groupe maskoutain dont la principale activité était l’immobilier. Il suffit de consulter les procès-verbaux de la Ville de Saint-Hyacinthe pour le vérifier.

En 2012, la Ville a délivré pas moins de 44 permis de construction à l’Oeuvre Antoine-Girouard associée au dit groupe. Ces permis d’une valeur de 8,8 millions $ étaient relatifs à des projets dans le secteur Douville : un quartier reconnu, bien sûr (???), pour sa population vieillissante et déshéritée…

Mais les voix de Dieu sont impénétrables, semble-t-il, surtout dans l’immobilier…