Chronique

DE RENÉ À LÉO

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Dernièrement, Léo Bureau-Blouin était l’invité de Franco Nuovo à son émission Dessine-moi un dimanche. On avait invité « le plus jeune député de l’Assemblée nationale » pour parler de sa perception de René Lévesque, décédé il y a 25 ans le 1er novembre. En écoutant l’entrevue, j’ai réalisé que j’étais assez vieux pour avoir interviewé les deux : René et Léo.

En fait, j’ai eu l’occasion de rencontrer René Lévesque à deux reprises. La première fois, c’était en 1980, l’année du premier référendum sur l’avenir du Québec.

J’étais étudiant en journalisme et j’ai eu la témérité de demander une rencontre avec René Lévesque à l’occasion d’une allocution qu’il devait prononcer au centre sportif de l’université Laval.

Dans mon entourage, personne ne croyait qu’il allait accepter de rencontrer, en privé, un jeune journaliste en herbe qui écrivait pour un petit canard étudiant. Eh bien oui, il a accepté.

J’ai donc eu une entrevue exclusive avec le Premier ministre dans le vestiaire d’un centre sportif qui sentait le swing. À cette époque, il était comme ça, René. Accessible, simple, et surtout il avait le plus grand respect pour le métier de journaliste, un métier qu’il a pratiqué une bonne partie de sa vie.

La deuxième fois, c’était à Saint-Hyacinthe, en 1982. Depuis que je l’avais vu dans le vestiaire malodorant, beaucoup de choses s’étaient passées sur sa patinoire. Il avait perdu le référendum, il s’était fait flouer par Ottawa avec le rapatriement de la constitution et ça grenouillait dans son parti pour qu’il démissionne. L’homme avait vieilli.

Je ne me souviens pas de l’objet de sa visite, ça concernait l’agroalimentaire probablement. Mais je me souviens que la conférence de presse avait lieu un dimanche, à l’école Fadette. Je me rappelle que c’était un dimanche parce que le rédacteur en chef du Courrier m’avait donné le choix d’y aller. Je ne pouvais pas manquer ça.

C’était à la cafétéria. J’étais le seul journaliste « local » à y être parce que, justement, c’était dimanche. Mais toute la « grosse presse » de Montréal était sur place : presse écrite, radio et télé.

Ce n’était pas pour l’annonce qu’il allait faire, bien sûr (Saint-Hyacinthe n’intéresse pas la grosse presse, c’est connu, et l'agroalimentaire encore moins), mais pour le questionner sur les rumeurs de sa démission.

À la période de questions, la horde médiatique s’est ruée sur un Lévesque qui semblait très agacé. C’est alors qu’il a lancé quelque chose comme : « Écoutez! Nous sommes à Saint-Hyacinthe et il serait normal, je pense, de laisser le journaliste de la place poser les premières questions. »

Pas besoin de vous dire que je ne l’ai pas questionné sur son hypothétique démission. Mais les questions qui ont suivi la mienne ne portaient que sur cela. L’homme paraissait fatigué. Ça se passait trois ans avant sa démission comme chef du parti québécois et cinq ans avant sa mort à l’âge de 65 ans.

***
Ces jours-ci, Léo Bureau-Blouin fait ses premiers pas à l’Assemblée nationale. À 20 ans, c’est bien jeune. Sa carrière politique sera-t-elle longue? Bien difficile à dire.

Chose certaine, il aura le temps de se rendre compte que la sphère politique n’est pas un jardin de roses. C’est plutôt une arène où tous les coups sont permis, même les coups de longs couteaux dans le dos. René Lévesque pourrait lui en parler…

Mais ce qui relie le vieux René et le jeune Léo, c’est peut-être la sincérité que j’ai perçue chez les deux hommes. La sincérité et la volonté réelle de changer les choses pour le mieux.

Ce sont des crises, des conflits sociaux qui ont amené les deux militants à s’engager en politique. Pour René, ce fut la grève des réalisateurs de radio-Canada en 1959. C’est à ce moment-là qu’il s’est rendu compte du mépris qu’entretenaient les patrons anglophones envers les Québécois.

C’est le printemps érable de 2012 qui a conduit Léo à l’engagement politique. Un tout autre combat, mais une même volonté de faire avancer la société par la voie démocratique.